Un vrai mythe, de multiples mystifications : l'art du mensonge

Le débarquement et les combats d'Omaha : une légende, un mythe mais avec trop d'oublis, et trop  de mystifications qui arrangent beaucoup de monde. Pour le grand public, rien n'est vraiment explicité, les erreurs et les tragédies inévitables jamais  dénoncées. 
Par facilité ou par intérêt,  le mensonge  est systématiquement pratiqué sous diverses formes mais c'est bien le mensonge par omission qui l'emporte !


  • Mystifier, c'est tromper !
En faitle faux en histoire donc  la pratique du mensonge englobe  divers aspects qu'il faut nuancer à défaut de pouvoir établir une typologie. 
    • Le mensonge par omission ou inexactitude  qui cache sciemment la vérité : cas du port artificiel d'Arromanches (et donc du musée) qui cache son très faible tonnage par rapport aux  autres plages qui fonctionnent par échouage de petites unités à fond plat or Omaha fait le double de tonnage qu''Arromanches  (J Quellien). Ce type de mensonge est tellement usuel qu'il nécessite qu'on lui consacre, ci-dessous, une partie entière.
    • Le mensonge par mythification, cas des films (américains : le jour le plus long & Il faut sauver le soldat Ryanqui reconstruisent les évènements avec de volontaires erreurs, approximations, exagérations et beaucoup d'anecdotes pour "arranger" le débarquement et l "américaniser".
    • Le prétendu, le pseudo, le supposé : par l'absence de sources historiques (ou autre raison) on donnera sciemment  une explication inventée, supputée  à un évènement. Cette pure invention relève donc de  l'affabulation, cas de l'invention de la "maison de la libération à Saint Laurent".
      Ce qui est  totalement différent de
       l'erroné qui s'explique par une mauvaise interprétation d'un document ou source historique, ce qui est involontaire ou... relève de l'incompétence.

    • La falsification ou contrefaçon ou détournement de la vérité ou manipulation souvent utilisée à des fins de propagande
      • idéologique : on va reconstruire la réalité pour recomposer l’Histoire afin qu'elle soit conforme à la ligne politique. Omniprésent dans le états totalitaires. L'Allemagne nazie l'a systématiquement pratiquée jusqu' à sa chute,  Hitler disait : "La propagande de Goebbels est une de nos armes de guerre les plus efficaces"
      • médiatique : dans les médias, à l'été 1944, les alliés ne peuvent montrer les morts avec toute l'horreur de la guerre, ni les difficultés des combats. La réalité est systématiquement tronquée mais pouvait-il en être autrement ?
    • l'imposture  ou  la construction délibérée d’un faux : cas des nombreux faux Gi's américains, cas du mannequin parachutiste à Sainte Mère (du mauvais côté)


On peut aussi trouver d'autres variantes : 
-le mensonge par oubli (femmesnoirs, amérindiens...) 
-le mensonge par rareté ou imprécision des sources,  (nombre de morts  à Omaha, localisation du WN 67)
-enfin, nous terminerons par le mensonge par... paresse intellectuelle : cas des musées, des auteurs d'ouvrages qui se contentent de répéter et retranscrire sans réfléchir et se questionner, sans chercher  à vérifier ce que d'autres ont écrit dans le passé avec beaucoup d'imprécision, ainsi le nombre de morts à Omaha, le cas du port artificiel d'Arromanches, les pertes civiles, de l'impact de la résistance,  du rôle des USA et de la paternité de la victoire...

Plus compliqué à expliciter sont les motivations et les intentions des auteurs : un but vénal, en vue d'un bénéfice ?  financier pour obtenir un avantage ?  social pour se faire valoriser? ou plus simplement par  bêtise, incompétence, naïveté... Tout est possible et parfois c'est pernicieux !



  • Le mensonge par omission
    • Le mensonge le plus fréquent pour rendre la guerre "acceptable" en ignorant erreurs et horreurs
Le mensonge par omission consiste à diffuser ce qui, parmi le réel, convient aux fins poursuivies, la glorification d'Omaha,  tout en omettant d'énoncer ce qui pourrait y nuire, telles  les erreurs qui ont coûté beaucoup de vies. Elles sont pourtant nombreuses : des bombardements aériens et navals complètement ratés qui sont responsables de l'importance des pertes (4700 hommes) ; l'utilisation de chars DD dans une mer agitée qui se transforme en désastre et qui empêche de protéger sur la plage les Gi's incapables de bouger ; des  hommes surchargés qui se noient en raison d'un manque de clairvoyance des officiers ; des dérives énormes de barges qui pouvaient être anticipées par  une meilleure connaissance du milieu ; des liaisons radios qui dysfonctionnent ; du matériel mal protégé  rempli d'eau de mer et de sable ; un assaut meurtrier à la pointe du Hoc inutile puisque l'Etat Major savait que les canons étaient déplacés ; la présence d'éléments imprévus de la 352° DI allemande...

Que d'erreurs et de maladresses alors que déjà une dizaine de débarquements, et des répétitions,  se sont  déroulés. Pourtant on retrouve toujours les mêmes problèmes,  les mêmes imprécisions,  les mêmes dysfonctionnements.

La dureté des combats et l'héroïsme des GI's, partout affirmés,   sont véridiques, toutefois cette image glorieuse est acceptée dans les croyances sans que l'on se pose de questions. Le problème est que  cette image manque de ce qu'on omet, ce qui transforme les omissions en non-existence, et fortifie l'intensité de croyance en ce qui est accepté. Ainsi, pour le visiteur,  les nombreux morts d'Omaha sont  acceptés car ils sont uniquement la conséquence inévitable de tout combat dans un lieu difficile à conquérir.

Ces omissions se retrouvent lorsque la victoire des alliés est évoquée  pour libérer la France. Si le débarquement était réellement redouté par les alliés, ce n'était pas le cas  pour la libération de la France, or ce fut une épreuve particulièrement douloureuse pour les armées et les civils. La bataille de Normandie se heurta  à une farouche résistance allemande malgré la supériorité des moyens mis en œuvre par les alliés dans tous les domaines: humains, matériel, militaires, logistique, alors qu'ils dominent ciel et mer. Ce qu'on appelle la bataille des haies fut une épreuve pour les GI's, les pertes  le montrent ainsi que les nombreux problèmes psychiatriques, réalités occultées aujourd'hui.

Le mensonge par omission apporte donc un double bénéfice à l'action de communication de ce tourisme de mémoire: une mémorisation de ce qui convient au communicateur, donc ce qui semble acceptable et nécessaire, associée à  la négation de ce qu'il veut qu'on ignore, les faillites et erreurs. On évoque donc toujours l'héroïsme et le courage des Gi's  qui, certes,  étaient réels, mais on le décontextualise.

Un avantage important du mensonge par omission est qu'il n'est pas facile à déceler, en effet le message s'adresse à un public non averti. Ainsi, le "menteur par omission" ne semble pas mentir, surtout si on croit naïvement que "mentir" se limite à affirmer ce qu'on sait faux, et n'inclut pas le refus d'énoncer ce qu'on sait vrai et important. Or ce refus est difficile à prouver, car il ressemble à d'autres omissions de ce qui est vrai.

Toutefois, on peut ignorer une partie du vrai, par incompétence, ce qui semble être le cas par exemple des responsables d'office de Tourisme, d'élus locaux, toutefois une responsabilité implique un minimum de travail, de questionnement,  de recherche, de lectures ou, à  défaut, de s'entourer de compétences. Ainsi, à Omaha, l'office de tourisme, les élus publient et communiquent  officiellement   sur l'existence d' une "première maison libérée !"  pure invention récente  d'un propriétaire afin de mieux louer sa maison !

    • Les omissions à Arromanches: un intérêt lucratif !
On peut ignorer ou sous-estimer consciemment  l'importance d'une partie du vrai, et donc préférer diffuser d'autres pseudos vérités, voire  des inexactitudes, ce qui est le cas pour le port artificiel d'Arromanches où le musée, et ses guides, volontairement, taisent la faiblesse des activités du port et n'évoquent jamais l'importance réelle des tonnages déchargés sur les autres plages sans "port artificiel", en particulier celle d' Omaha. 


Dans ce cas, le mensonge par omission relève  à la fois de  l’imposture, c’est-à-dire la construction délibérée d’un faux et de la manipulation, avec une logique de propagande et de falsification de l’Histoire afin d'établir une contre vérité : exagérer à outrance l'importance du port artificiel d'Arromanches afin de maintenir une activité touristique lucrative.


Extrait du site web du musée d'Arromanches où l'on apprend  que
sans le port d'Arromanches, le débarquement aurait été un échec !



Extrait du site web du musée d'Arromanches où l'on apprend aux enfants
 que
"Le port d'Omaha n'a jamais servi" 
et

ci-dessous  les données officielles du SHAEF




Ainsi, le mensonge par omission peut être accompli impunément : on ne pourra pas prouver que le communicateur savait ce qu'il n'a pas dit, ni surtout prouver qu'il savait important ce qu'il n'a pas dit ou ce qu'il a empêché de dire. Le mensonge par omission peut être aussi  un mode de communication de manipulateurs du public, cas du tourisme pour accrocher les visiteurs afin de faire  davantage de visites et donc de  profit, cas bien connu des politiques avec leur fameuse  langue de bois.

Ces omissions s'accumulent sur le long terme: on arrive, peu à peu, à une situation  où, évoquer le débarquement, par les médias lors des commémorations, devient d'un simplisme consternant puisque les thèmes évoqués omettent tant de sujets qu'ils se limitent à montrer des extraits de cinéma comme illustration de faits historiques qui se résument à des clichés. Désormais, on propose une version édulcorée du débarquement remplie d'anecdotes inventées.



Parfois les médias essaient de publier des aspects peu connus ou  peu glorieux du débarquement, mais cela demeure avant tout des articles accrocheurs (mais pas  racoleurs....) qui demeurent superficiels, toutefois, ils ont le mérite d'exister.
Les historiens désormais n'hésitent plus  à dénoncer toutes ces erreurs, tous ces mensonges, tel Jean Quellien. Seulement, ils ne sont invités  à parler que le 6 juin à l'occasiondes  commémorations décennales, et, leurs ouvrages sont délaissés au profit de guides superficiels ou d'ouvrages grand public sans intérêt...

La vérité doit-elle restée dans le cercle des historiens ?



Compléments
http://www.ac-grenoble.fr/histoire/didactique/general/fauxetfiction/lpj.htm
Mensonges historiques de J Bourdier  Ed Dualpha