Puissance américaine : production de masse et innovation

La puissance américaine va se mettre au service de la victoire  pour créer une force considérable, tous les domaines  participent à l'effort de guerre. Ainsi les forces américaines apparaîtront comme une armée nombreuse,  hyper équipée, avec du matériel sophistiqué, nombreux et varié.  Les soldats qui distribuent quantité  de produits américains (chewing gum, coca, cigarettes...) étonnent  des français éberlués de voir tant de produits disponibles alors qu'ils vivent depuis  quatre ans dans la pénurie.
Ces moyens colossaux qui ont surpris les français sont-ils  le facteur clé de la victoire, et, donc, un élément du mythe ?


Pourquoi tant mobiliser, tant produire?


L'expérience des précédents débarquements (Dieppe, Sicile,Tarawa.. voir le dossier) montre que la réussite nécessite des moyens considérables terre/air/mer pour détruire les défenses ennemies afin d'assurer une réussite totale.  Il s'agit donc de  mettre en place une stratégie du "marteau pilon" pour envoyer sur un espace réduit (une plage) des moyens  militaires (humains et matériel) pour détruire les défenses ennemies puis construire une tête de pont solide.  Ces moyens, seuls les américains sont capables de les assumer, en effet le nombre d'avions et de navires nécessaires est volumineux. De plus il faudra trouver des solutions pour résoudre les inévitables problèmes qui surgiront et, donc, innover, un domaine où les américains sont déjà très bien placés.


Mobiliser
En 1939, l'armée américaine compte moins de 200.000 hommes avec 330 chars. En  1945, ce seront 11 millions de soldats et  marines américains qui prennent part à la guerre, chiffre important pour une population de 132 millions.
Ainsi, les effectifs engagés furent considérables, la veille du Jour J plus de 1.500.000 soldats américains sont déployés en Angleterre dont environ 60.000 auront débarqué le soir du 6 juin. Toutefois en mai 1945 les USA déploient 89 divisons alors que l'armée rouge en compte 400 et les allemands en alignèrent pendant la guerre  300.

L'effort de guerre  passe par  une mobilisation très  importante mais pas générale  qui nécessite une forte demande de main d’œuvre : on aura recours aux chômeurs, aux femmes et aux noirs dont le rôle économique et social modifiera la société  et les mentalités sans toutefois changer les inégalités !

La loi du prêt-bail de 1941 fournit une aide d'abord  à la Grande Bretagne  (60%) puis à l'Union Soviétique (22%), à la Chine, même au général de Gaulle, au total plus de 50 Mds de $ dont seulement 8 ont fait l'objet d'un remboursement. Les alliés reçoivent ainsi environ 16 % de la production américaine de guerre sous  forme milliers de chars, avions, armes.

Des organismes dédiés sont créés pour améliorer l'efficacité ("Agency") qui est contrôlée par 'l'"Office of war mobilization".  De 1942 à 1945 la production américaine, standardisée, croit de 800% et produit des quantités énormes de matériel  dont les chiffres sont difficiles à cerner tant ils varient d'un historien à l'autre : 96.000 chars, 320.000 pièces d'artillerie,  2.300.00 camions, plus de 200.000 avions, 21 millions de tonnes de munitions, 5000 navires dont 2700 "Liberty ships", 65.000 bateaux de débarquement. (données moyennes). Une production de l'ordre du double de celle des allemands et  japonais.

 L'industrie britannique, plus ancienne,  n'était pas aussi dynamique. Si l'aviation progresse en  multipliant par 3 sa production de 1939 à 1944 avec  plus de 26.000 appareils, la production de chars demeure insuffisante.Toutefois, elle parvient à produire  les 3/4 de ses besoins militaires et contribua réellement  à l'effort de guerre.


Produire et innover
Ainsi, l'expérience des guerres précédentes permet de mettre au point un matériel adapté au débarquement, quelques exemples:
-Ouverture des étraves de navires  pour permettre un échouage facilitant le débarquement de matériel, expérimenté en 1915 sur le River Clyde dans les Dardanelles
-Utiliser les très vieux navires pour servir de "blockships" pour créer des plages  et ports de débarquement protégés.
-Adaptation des chars, la spécialité du major Hobart avec ses "Sherman flail ( avec des chaînes en fléau pour détruire les mines, déjà utilisés en Sicile)  ; mise au point du Sherman Dozer, mixte de tank et de bulldozer,  du Churchill AVRE qui pose des ponts, du AVRE  armé  d'un mortier de 290mm pour détruire les blockhaus..
-Les bazookas permettent aux fantassins américains de détruire un char et d'être utilisés par un seul soldat. 
-le bombardier B17,  appelé aussi forteresse volante, qui a un rayon d'action de 5.000 km,  permet de larguer une tonne de bombes

Mais le principal problème n'est pas de produire du matériel militaire : " Le grand problème pour les alliés ce n'est pas les troupes ou le matériel, mais les navires et les chalands de débarquement. Ce dont nous avons le plus besoin, c'était des LST transportant 40 chars !" déclare le Gal Marshall.
En effet, il faudra transporter ce matériel  à l'aide milliers de péniches de toutes les tailles et très spécialisées, de l'énorme LSI (Landing Ship Infantery) de 50 m de long  au petit LCVP de 11 m qui fut construit  à plus de 23.000 exemplaires en raison de sa petite taille et de sa grande polyvalence. Tous ces navires doivent être construits le plus rapidement possible.

LC pour Landing craft… ou  Péniche de débarquement
Les principales:

-Petites 
LCA (Assaut) 12,5m/3,1 m avec 35 hommes avec 0,5 Tonnes matériel => RANGERS
LCM (Mechanized)15m/4,3 avec1 char ou 60 hommes ou 30 T => GENIE
LCVP (Vehicule Personnel) 11m/3,3m pour 36 hommes ou 5 Tonnes matériel =>INFANTERIE 
-Grandes (X4)
LCI (Infanterie) 48 m/7m pour 200 à 250 hommes avec 4 canons
LCT(Tank) 49 m/9,5m pour 3 à 8 chars ou 5 camions
et des spécialisés : LCAHR (Hedgerow) + LCS (support) + LCG (Gun) artillerie + LCTR (RocKets) LCF (Flak)

LS pour Landing Ship : Bateau de débarquement, rapide, les principaux:
-LSI (infanterie) gros navire  (cargo) de 12.000 T pour troupes et le transport des plus petites barges (LCA et LCM)
-LST (matériel, tanks...) énorme (100m/15m) 300T sur le pont et 1750 T en cale. Echouables

De nombreux véhicules et blindés sont également construits en utilisant les  normes de standardisation américaine qui sont un impératif pour  un achèvement rapide, ainsi un le premier LST demande  6 mois et 875.000 heures de travail et le dernier produit  demande  3 mois 270.000 h. (20.000 LST seront produits). En  1944 chaque mois 2 millions de tonnes de matériel sont expédiées en Angleterre : 125.00 véhicules en pièces détachées, 15.000 avions dont 3500 planeurs.
Un problème apparaît : celui de la mise  à l'eau  et de l'étanchéité de ce matériel qui devra obligatoirement être en contact avec la mer. Les chars les plus légers seront équipés de protection simples pour un contact dans peu d'eau (ex un manchon qui protège l'évacuation des gaz) alors que les lourds Shermann seront équipés en DD (Duplex Drive), soit une ceinture de caoutchouc qui permettra de flotter, ce qui fut avec l'état de la mer à Omaha, un vrai désastre. 


Jour J

Pour le D-Day, la flotte d'invasion était composée de 6 939 navires (1 213 navires de guerre, 4 126 navires de transport et 1 600 navires de soutien ; l'aviation  dispose de 7 500 avions divers, chasseurs et bombardiers légers et lourds. 
156 115 soldats sont  débarqués ou parachutés le 6 juin 1944,  59 000 étaient américains, 73 000 anglais et 21 400  canadiens. Dans les jours suivants sont prévues 5 divisions  à J+2 et  18 divisions à J+10.

A Omaha malgré la puissance, le bilan est mitigé : Les objectifs prévus à la fin du Jour J ne sont pas atteints, en effet était prévue  une tête de pont allant de l'embouchure de la Vire à l'ouest à la jonction avec la tête de pont anglo-canadienne à l'est sur une profondeur de 8 km à l'intérieur des terres, sur une ligne nord d'Isigny à Bayeux. La jonction avec la pointe du Hoc n'est même pas réalisée. Seule une petite tête de pont va jusqu'à Vierville et  ondule sur 1 à 2 km maximum en profondeur,  les  villages de Saint-Laurent et Colleville ne sont pas totalement libérés  ; toutefois le périmètre dégagé  permet d' alimenter la tête de pont en hommes et matériel.
34 000 hommes et 2 800 véhicules ont débarqué mais seulement 100 tonnes de fret au lieu des 2 400 prévues car les pertes en matériel sont très importantes.


Conclusion

Développer ses moyens militaires a permis aux Etats Unis de procéder à son  redémarrage économique  qui va profiter aux plus riches qui détiennent les entreprises. Toutefois, il ne s'agit pas d'un engagement "total" comme ce fut le cas dans l'Allemagne nazie ou dans l'URSS, ainsi les américains ne connaissent pas le rationnement ou du moins fut-il très limité et profitent même d'une hausse des salaires.
L'équipement  et le nombre est largement en faveur des alliés ce qui leur assure une puissance de feu écrasante  et des renforts inépuisables mais cela suffit-il pour une victoire inéluctable ?
Gerow ne le pense pas : "Il serait illusoire de croire que nous pouvons défaire l'Allemagne simplement en produisant plus qu'elle. Les guerres sont gagnées par des stratégies pertinentes, mises en œuvre par des forces bien entraînées, équipées de façon  adéquate et efficace".
Cette puissance a montré son efficacité sur les plages "faciles", mais les erreurs et imprécisions sur Omaha ont eu des conséquences terribles qui laissent présager de difficultés à venir dés lors que le terrain de combat  pose des difficultés mal appréhendées par les stratèges.
Ainsi les alliés, malgré leur puissance, ont souffert face aux nazis dés les journées et semaines qui ont suivi le débarquement, Caen n'a pas été pris le premier jour comme prévu (mais le 20 juillet) et les alliés vont piétiner dans le bocage normand tout le mois de juillet.