Le grand public achète des ouvrages de vulgarisation sans se préoccuper de l'auteur, compréhensible car les historiens n'apparaissent pas dans les émissions culturelles de la télévision au profit de pseudos historiens
Ne seront donc évoqués ici que les principaux ouvrages récents d'historiens universitaires, en particulier ceux qui nous servent de sources principales (voir la bibliographie)
Peu d'ouvrages "anciens" en dehors des "histoires officielles" des autorités américaines comme "Omaha Beachead" publié en 1945 par le ministère de guerre américain et édité en français en 1984 qui relate "officiellement" les opérations militaires.
Il faut aussi préciser que l'université n'a pas favorisé l'éclosion de chercheurs sur le débarquement: dans les années 60 et 70, l'histoire contemporaine enseignée à Caen oubliait totalement ces évènements normands...
L'arrivée de nouvelles publications se fera à partir des années 80, avec principalement: Carlo d'Este en 1983, J Quellien en 2004, Olivier Wievorka en 2007 et Antony Beevor en 2009. Ces productions récentes soulignent quelques points majeurs mis en avant:
- le débarquement est avant tout une opération militaire délicate et complexe et, non pas, une "croisade" (J Balkoski)
-la mésentente entre britanniques et américains liée à leurs nombreux contentieux, qui, sur le terrain se révéla au travers de l'incapacité de Mongommery prendre Caen : des américains qui se battent durement et des britanniques qui se ménagent !
- les civils normands au travers des pertes, dégâts, exode (J Quellien)
- les combattants plus ou moins motivés (A Beevor)
- la préoccupation récente de l'archéologie du débarquement
Toutefois lacunes, oublis et imprécisions demeurent :
- les allemands sont toujours absents, excepté dans l'ouvrage original de Benoît Rondeau "Invasion, le débarquement vécu par les allemands"
- l'économie et la logistique et la propagande qui ont assuré le succès, sont traités superficiellement, sauf par des passionnés
- les commémorations ne sont pas étudiées
-l'ensemble des témoignages du vécu des normands n'a jamais été exploité véritablement sauf pour faire quelques "illustrations"
- des opérations sont oubliées comme les missions commandos
-plus grave, et incompréhensible le tableau des pertes américaines qui vont de 2000 à 4816 ! ce qui montre que les historiens sont, eux mêmes, parfois peu rigoureux dans leurs sources.
J Quellien dans "le Jour J et la bataille de Normandie " présente le jour J à Omaha sur 13 pages dont douze pour uniquement évoquer les opérations jusqu' à 13 heures car "l'essentiel est acquis". Christophe Prime dans "Omaha Beach, 6 juin 1944" ne consacre que quelques lignes sur l'après midi et la soirée du 6 juin à Omaha sur 186 pages. Y aurait-il des opérations et des morts qui valent plus que d'autres ?
- la récupération du Jour J par les civils et les Etats pour les commémorations n'est pas analysée
-Absence de réflexion sur le statut du débarquement dans la seconde guerre mondiale qui occulte d'autres réalités comme l'avancée inexorable russe qui aurait pu, à elle seule, l'emporter sur le Reich.
Seul Jean Quellien s'émeut publiquement des lacunes et légendes autour du 6 juin. En 2015, lors de la présentation de son ouvrage "Le Jour J et la bataille de Normandie", il tord le coup aux idées reçues et s'en prend violemment au film "le jour le plus long" (voir rubrique Cinéma):
"Il existe beaucoup de mythes et de légendes à propos de cet épisode. J'ai commencé à travailler sur ces sujets depuis presque 25 ans maintenant et puis en continuant, on s'aperçoit, au travers des recherches menées par des étudiants ou des collègues américains, anglais, qu'on ne sait pas tout, qu'on commence à approcher de la vérité.Sait-on que les Américains n’ont jamais eu, contrairement aux affirmations gaullistes, l’intention d’instaurer un gouvernement en France, l’AMGOT ? Sait-On que les pertes le jour J ont été sous-évaluées ? Que le commando Kieffer n’a pas véritablement enlevé le casino de Ouistreham ? Oui, il était bien nécessaire de proposer une nouvelle lecture du Débarquement et de la Bataille de Normandie"
Ce statut mythique médiatisé et internationalisé par les commémorations désormais donne matière à réflexion à de jeunes historiens, qui peuvent se sentir confortés après les propos de J Quellien.
ll faut attendre les années 2010 pour voir arriver visions et réflexions nouvelles:
ll faut attendre les années 2010 pour voir arriver visions et réflexions nouvelles:
-Antonin Dehays, en 2016, offre un nouveau regard sur l'expérience du feu des GI's, les conditions de leur mort et la manière dont ils sont honorés aujourd'hui via les nécropoles et les commémorations.
-Divers historiens portés par Jean-Luc Leleu du Centre de recherche d'histoire quantitative (Caen), et Olivier Wieviorka ont expliqué comment ce débarquement a été transcendé en une véritable épopée. D'abord à Blois lors des 16ème "Rendez-vous de l’Histoire de Blois" (2013) ayant pour thème La Guerre, a eu lieu une table ronde : "Le 6 juin 1944 : de l’évènement au mythe" animée par Emmanuel Thiébot, Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka. puis lors d'un colloque au mémorial de Caen en 2014 intitulé "Le Débarquement : de l'événement à l'épopée". Les actes du colloque ont été publiés en 2018.
Ces derniers ouvrages, colloques des historiens n'ont qu'un but : démythifier le débarquement. Ce qui est confirmé dans l'analyse du poids consacré au débarquement dans les ouvrages d'historiens
à lire dans la conclusion générale, dans la rubrique "Contextualiser"
INTERVIEW de Jean Luc LELEU
qui présente l'ouvrage : "Le Débarquement : de l'événement à l'épopée"
qui présente l'ouvrage : "Le Débarquement : de l'événement à l'épopée"
Enregistré le : 11/06/2018 - Durée : 7mn23s - Réalisation : DSI Université Caen - MRSH
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