A priori, il semble donc très difficile de pouvoir affirmer avec certitude une donnée fiable de pertes. Souvent de mêmes chiffres se répètent d'un auteur à l'autre (2500 et 3000) et jamais les sources précises ne sont indiquées. Dans le passé, aucune étude approfondie n'avait été réalisée, la référence semble être les chiffres édités en 1945 par "le Service d'information et d'Histoire attaché à la première armée, basé sur des rapports d'unités, des archives, des interviews et documents disponibles" qui donne le chiffre de pertes de 3000 hommes, chiffre repris le plus souvent.
En 2004 lorsque l'historien américain J Balkoski publie aux USA son ouvrage (en 2014 en France) il donne, pour la première fois depuis 1945, des chiffres très précis issus de longs et minutieux travaux de recherche sur Omaha. Pour lui, tous les chiffres donnés jusqu'à présent sont très en dessous de la vérité ! Il estime les pertes de 4735 h sur 35000 personnes ayant débarqué soit 13 % (jusqu'à 40 % pour certaines compagnie ex Cie A/116th) dont 2000 morts ou disparus.
Il semble qu'aujourd'hui ses recherches fassent référence mais ne sont pas encore généralisées.
- Les difficultés
Les données initiales viennent des premiers rapports qui ont exagéré les pertes, tel un rapport du 8 juin présenté au général Gerow qui indique que le 116 Th infantery dela 29 DI avait perdu 49 officiers et 2733 hommes, soit 90% de l'effectif ! chiffres irréalistes. Le service historique des armées indique en novembre 1944 qu'il est impossible de rendre un calcul car les rapports des unités ont été fragmentaires, incomplets et imprécis, en effet certains rapports sont journaliers, d'autres hebdomadaires, d'autres mensuels, quelques uns absents. Ensuite les chiffres évoquent des "pertes" dans lesquelles les "disparus" sont nombreux ce qui s'explique par la dispersion des compagnies et bataillons à l'arrivée sur la plage d'Omaha en raison du désordre qui y régnait ; certaines compagnies ne sont reconstituées que plusieurs jours après le 6 juin. Parmi les "disparus" figurent aussi les morts dont on a pas retrouvé le corps et, de plus, de nombreux corps n'ont pu être identifiés, ainsi le "Mur des disparus" du cimetière de Colleville porte le nom de 1 557 soldats ( provenant de tous les combats)
Le bilan de la journée du 6 juin sur Omaha est donc particulièrement difficile à dresser. Les premiers chiffres des services historiques ont "réexaminé les rapports" et donnent :
-pour le 116th (Colonel Canham, 15 juin 44) : sur 3100 h, évaluation des des pertes à 900 h minimum
-en sept 45, le Lt Taylor du service historique des armées, évalue les pertes à 3000 h dont 1000h pour le 16th et 1000 h pour le 116th (chiffres de "Omaha Beached")
-en oct 1950, G Harrison, auteur historique officiel, fait une évaluation basse à 2000 h en estimant que c'est "imprécis" et que "il est peu probable qu'un bilan précis soit jamais publié"
- Les chiffres des publications des historiens
La lecture des ouvrages consacrés à Omaha ou au débarquement présente des chiffres très variables de 2000 hommes à 3881, soit d' un ordre de grandeur soit d'un chiffre très précis. Personne ne donne de sources historiques pour son évaluation, y compris les historiens. Curieusement, cette imprécision ne gêne personne.
Qu'indiquent exactement les ouvrages récents d'historiens ? (hors J Balkoski)
-Infographie de la 2° GM (Perrin 2018) : 3686 h soit 10,76% (Sources imprécises d'ouvrages américains de 2000 et 2001 ainsi qu'O Wiervorka)
-Beevor D Day et la bataille de Normandie : indique dans son texte des pertes de "plus de 2000 hommes...mais imprécis". A noter que c'est le chiffre le plus faible énoncé. Dans une note, l'auteur cite Harrison qui indique 1465 morts mais lorsqu'il détaille, le total fait 1704 morts ( "1190 pour la 1°DI, 73 pour la 29°DI et 441 pour les hommes du corps"). Il évoque le choc de la première vague en citant la Cie A du 11°RI "100 hommes sur 205 avaient été tués". Dans une autre note de fin de chapitre, il indique : "Le général Bradley donna le chiffre de 4649 pertes américaines pour le débarquement (Utah et Omaha)"
Il semble donc que le comptage, du moins une évaluation, ne soit pas un point fort chez cet historien célèbre.
- Jean Quellien, universitaire caennais; a réalisé de nombreuses publications. Son premier ouvrage en 1992 indique "2500 h" mais ensuite il ré-évalue les chiffres, dans le "Le jour J" en 2015, un tableau indique "des pertes de 4100h" et précise que le "National DDay foundation" évoque 2499 morts américains le 6 juin (Utah et Omaha).
-Olivier Wiervorka reprend le chiffre classique de "3000 hommes" soit 8,8% de pertes et indique une source précise "Libération du N-O de l'Europe 1944-1945" qui semblent être les chiffres du service d'information militaire de 1945. et évoque pour Utah "un heureux contraste avec Bloody Omaha"
- Omaha face aux autres plages du débarquement
Les 18 heures de bataille d'Omaha ont été les plus coûteuses pour l'armée américaine toutefois les pertes restent dans l'évaluation prévue. La comparaison avec les autres plages justifient le surnom d' Omaha la sanglante (Bloody Omaha) qui viendrait plutôt des très lourdes pertes pour les premières vagues et le génie.
On affirme également, mais sans sources précises, qu' ¼ des pertes seraient consécutives à une noyade et que le Génie aurait eu 40 % de pertes.
- Dernières approches d'historiens
-L'approche quantitative et statistique d'Antonin Deshays (Combattre et mourir en Normandie. Ed Orep 2016)
Dans son ouvrage l'auteur fait une analyse globale des pertes américaines pendant la bataille de Normandie et s'interroge : "Qui meurt ? Quand ? Comment?"
La mort ne différencie pas les hommes, tous sont vulnérables, seule leur exposition au feu est déterminante, mais qu'en est-il selon le grade, ou la branche (terre, air, mer).
L'infanterie génère le plus de perte (de tout temps) ainsi au cimetière de Colleville elle représente 87% des morts (8% air, 5% marine)
Parmi les officiers, ce sont les "lieutenants" qui ont le plus de pertes, en effet, ils devaient mener les hommes au combat et étaient très exposés. Certains moment étaient très mortifères, lors des 3 premiers mois 6 juin au 21 août 1944), en moyenne 373 GI's sont tués chaque jour soit 15/heure ( en Sicile 58/jour). Le 6 juin est la pire journée pour les soldats américains avec 4,7% de tués (2519), ensuite les chiffres oscillent de 58 à 668, avec des pertes importantes (plus de 400) du 7 au 19 juin, du 11 au 16 juillet (Bocage) puis du 26 juillet au 2 Août (Cobra) et enfin du 7 au 13 Août (Contrre attaque allemande Mortain). A noter que les "remplaçants" ceux qui viennent compenser les pertes subies sont très exposés car ce sont des soldats inexpérimentés qui ont leur baptême du feu dans des conditions difficiles.
Les causes des pertes sont mal connues, d'après les équipes chirurgicales, d'abord l'artillerie blesse le plus avec les éclats d'obus (55%) puis les blessures par balles (38%). Les canons allemands de 88mm et le fusil Mauser furent les principaux responsables ainsi que les tireurs allemands isolés et embusqués.
Globalement, les premiers à tomber furent les jeunes recrues inexpérimentées de l'infanterie, ainsi que les lieutenants.
-Les chiffres de J Balkoski : enfin une étude fiable
La dernière étude sérieuse de l'historien américain J Balkoski publié en 2004 aux USA et en 2014 en France donne des chiffres très précis issus de longs et minutieux travaux de recherche sur Omaha :
Pour lui, les chiffres donnés jusqu'à présent sont très en dessous de la vérité ! Il estime les pertes de 4735 h sur 35000 personnes ayant débarqué soit 13 % (jusqu'à 40 % pour certaines compagnie ex Cie A/116th) dont une estimation de 2000 morts ou disparus.
Il estime qu'il faut multiplier par 3 ces chiffres pour les premières unités débarquées comme la Cie A du 116th
Ce tableau de synthèse résume le travail de J Balkoski.
"Estimation" J Balkoski n' a pas obtenu le détail (morts/blessés/disparus) dans certains cas (compagnies ou régiments..., aussi, ici, un calcul relatif proportionnel a été réalisé afin d'estimer morts, blessés et disparus afin d'obtenir un total cohérent. Bien entendu, ce n'est qu'une estimation, mais le total en gras est un chiffre de l'auteur.