Deux sites mythiques.

En automne  2018, les médias ont titré "La Normandie est dans le top 10 des régions du monde à découvrir en 2019" d'après le  site "Lonely Planet" qui  rappelle que la Normandie accueillera de nombreux événements en 2019, dont le 75e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 dans le Calvados. Trip advisor précise les lieux incontournables à visiter,  de nombreux organisateurs de voyage incluent une journée sur Omaha et bien sûr, arrivent en tête :





Ces deux sites mythiques, les plus visités, attirent les touristes pour plusieurs raisons :
-seuls sites d'Omaha: sur la plage, il n'y a rien à voir (sauf, désormais les statues monumentales "les Braves" et des plaques ou monuments souvenirs s)
-sites gratuits, donc avantageux pour les tours opérators
-sites grandioses et émouvants, parfaitement entretenus par les américains
-sites témoins de la violence du débarquement

POINTE DU HOC

Rénovée !
Pendant longtemps, laissée quasiment en l’état, la Pointe du Hoc, entourée de prairies, se découvrait brutalement aux promeneurs sur un site sauvage, empli de cratères aux formes adoucies, de vestiges en béton, d'amoncellement de ferrailles, recouverts de végétation, essentiellement des broussailles et ronces qui masquaient l'essentiel des marques de la bataille. Les visiteurs étaient déçus de ces ruines non entretenues qui ne comportaient aucune indication de visite.

Classée au titre des sites en 1955, la pointe du Hoc a fait l’objet d’un réaménagement conséquent en 2004 qui constitue la première réalisation de l’Opération Grand Site « Normandie 44 ». Le parking est déplacé, agrandi, structuré et placé derrière l’épaisse haie qui le dissimule depuis le site. Les accès sont confortés et la voirie refaite. Désormais, les 500 000 visiteurs qui fréquentent le site chaque année sont accueillis dans de meilleures conditions. A l’extrémité du parking, un bâtiment d’information assez vaste est à la disposition du public. Une large allée gravillonnée permet de se rendre sur le site qui se découvre d’un seul coup au détour d’une haie. Un cheminement accessible à tous permet de faire le tour des vestiges sans obstacle.

Propriété du Conservatoire du Littoral et gérée par l’American Battle Monument Commission, la Pointe du Hoc réunit toutes les conditions pour sa préservation. Toutefois ce le lieu est soumis à deux fortes menaces difficilement maîtrisables : la pression touristique et surtout l’érosion naturelle de la falaise qui met en péril le poste d’observation où s’élève le monument commémoratif.


L’American Battle Monument Commission a entrepris, en 2010 de gros travaux pour ralentir le recul de la falaise, sauver le blockhaus et le rouvrir à la visite en toute sécurité, en accord avec le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer. Totalement financés par le gouvernement américain, les travaux commencent en  février 2010, pour une durée de six mois.Une grue de 130 tonnes y est acheminée, vingt personnes sont présentes chaque jour pour effectuer les diverses tâches. Le montant du marché avoisine les 5 millions d’euros pour des travaux titanesques :
apport massif de béton pour combler des cavités creusées par la mer, un parement en calcaire pour masquer les injections, clouage des blocs, forage de 25 cm de diamètre et ancrages  profonds... Rien ne doit demeurer visible au visiteur, des apports végétaux masquent l’ensemble des interventions.
Mais quelle pérennité face à l'érosion à venir ? la mer finira par imposer sa loi d'ici 20 ou 30ans, de toute façon. Que deviendra le site ?
Le prix payé par les Etats-Unis pour que leurs vétérans et leurs familles puissent encore se recueillir sur ces lieux chers à leur histoire  et à celle des Normands est vraiment  lourd ! 
Mais désormais des milliers de visiteurs sont là... 

Dernière minute : encore des travaux de prévus ! 
A partir de 2019, 3 ans de nouveaux travaux sont planifiés , un lifting à 16 millions payé par  l’American battle monument commission (ABMC) pour une refonte complète du  parcours de visite. L'objectif : canaliser la circulation des touristes, améliorer leur accueil et proposer de la réalité augmentée. « Si rien n’est fait, à l’avenir, le site aura totalement disparu. Il est déjà différent. Le passage des touristes, l’érosion ont modifié les lieux » , indique Scott Desjadins, surintendant du cimetière américain d’Omaha Beach. En 2009, l’ABMC avait déjà investi 5 millions d’euros, pour consolider la falaise
Dans un premier temps, le site va être entièrement sondé. « Un système de scanner va permettre de visualiser le sous-sol et ce qui s’y trouve encore. » Des parties enterrées sous les bombardements sont certainement restées en l’état depuis près de soixante-quinze ans. Les Américains veulent aussi s’assurer qu’il ne reste pas de corps ensevelis. Cette opération sera conduite en 2020, avant le printemps.
Pour conserver le site en état, « la visite ne se fera plus sur la Pointe du Hoc mais au-dessus » . Actuellement, les milliers de visiteurs se promènent librement sur le site. L’aménagement vise à canaliser la circulation sur un cheminement placé au-dessus du sol. « Quand on sait qu’une dalle de béton de 60 tonnes repose sur quelques ferrailles rouillées, on peut s’interroger. »
La réalité augmentée sera également utilisée, « pour permettre aux visiteurs de découvrir à quoi ressemblaient ces bunkers en 1944 » . La visite prendra un tout autre sens grâce à l’utilisation du numérique, sur un téléphone ou une tablette, sur place mais aussi depuis n’importe quel point du globe. 
Egalement, le centre de visiteurs sera entièrement repensé.

De plus les américains demandent un changement de statut à leur profit : aujourd'hui la gestion est partagée entre eux, le conservatoire du littoral, le département et la commune de Cricqueville, demain ils souhaitent une gestion exclusivement américaine, comme au cimetière de Colleville. Il semblerait que les divers acteurs soient favorables à donner carte blanche aux américains...

Un assaut périlleux  ... probablement inutile mais maintenu

Jean Quellien  précise :« La grande question, c’est pourquoi les Américains ont donné l’assaut »Les Allemands avaient positionné 6 canons à la Pointe du Hoc, un éperon rocheux qui s’avance dans la mer, situé sur le territoire de Cricqueville-en-Bessin. L’un des canons a été détruit par l’aviation le 15 avril. Les cinq autres ont été reculés à l’intérieur des terres. « Ce déménagement nocturne ne passe pas inaperçu. La résistance locale est alertée par les habitants d’une ferme », indique Jean Quellien. L’information parvient à Guillaume Mercader, responsable du réseau de résistance Centurie pour le Bessin. Le futur directeur du journal La Renaissance (de 1968 à 1980) estime que l’information est capitale. Elle est transmise aux alliés. « Ils décident de maintenir l’opération qui doit être conduite par un major. Ce dernier sait qu’il va envoyer ses hommes à la mort  pour une mission suicide et aussi pour rien et - alcoolisé - il commence à l’ébruiter. Il est relevé par le lieutenant-colonel Rudder lui-même ». 200 rangers se lancent sous son commandement à l’assaut de la Pointe du Hoc. « L’opération n’a pas été inutile comme on l’a parfois dit puisque les canons avaient été remontés en position de tir ».

[lire notre dossier : La pointe du Hoc: un combat inutile ? Les américains savaient que les canons étaient déplacés, alors pourquoi risquer des vies inutilement?]




Un lieu spectaculaire 
L'assaut de la pointe du Hoc a été à la fois spectaculaire et meurtrier (sur les 225 rangers qui débarquèrent ce jour-là, 135, au 8 juin 1944 furent tués, blessés ou disparus.) Toutefois, il  faut préciser que l'assaut fut moins meurtrier que prévu, et que c'est la suite des opérations  dans les heures qui suivent qui seront les plus difficiles, les renforts n'étant pas parvenus.
Aujourd'hui il demeure l’un des rares sites offrant un témoignage direct de la violence du Débarquement en Normandie. En fait, ce que l'on voit, c'est un paysage profondément marqué par les  bombardements répétés. En effet  il y eut trois vagues de bombardements aériens 15 avril 1944 qui nécessitent de déplacer les pièces intactes à l'intérieur des terres ;  puis le 4 juin et le 5 juin   100 tonnes de  bombes déversées à chaque f
ois : au total  3800 tonnes de bombes déversées ; enfin,  le matin du  jour J ,à 5h50, s'effectuent de nouveaux bombardements (naval et aérien)  qui précédent  l'arrivée des rangers vers 7h10. 
Aussi, le site est très  impressionnant, il  laisse imaginer les conditions extrêmes dans lesquelles les Rangers ont gravi la falaise sous les tirs des soldats allemands embusqués au sommet. 


Un site mythique et symbolique  entretenu
par sa mise en valeur
Un site impressionnant qui ne peut laisser personne indifférent tant le paysage de chaos est un véritable choc pour les visiteurs.  Depuis sa remise en état, la visite  s'effectue au travers d'un chemin aménagé et sécurisé qui met en valeur un site lunaire, constellé de trous d’obus, de  bunkers détruits de ruines et ferrailles. De quoi réfléchir et méditer.

par les visiteurs
Ce site, désormais bien entretenu et mis en valeur, accessible gratuitement toute l'année, est devenu un incontournable, lieu de pèlerinage, symbole iconique de la réussite américaine. Les visiteurs sont nombreux, c'est probablement plus de 1.200.000 visiteurs qui parcourent la pointe du Hoc chaque année (dernière estimation de 2004).  Le "visitor center" qui enregistre officiellement plus de  300.000 visiteurs,  n'hésite pas à glorifier les GI'S : "compétence, courage, sacrifice"


On voit  même aujourd'hui des "reconstitueurs" s'emparer du site et  oser  se permettre de  dire :"Ce sont des sensations absolument uniques". Cette absence de respect est choquante.


par le cinéma
Le cinéma américain a été le premier  a exploité la pointe du Hoc et le mythifier, ainsi   "Le jour le plus long" qui a tourné sur place  les scènes du film :

par les commémorations
C'est à la pointe du Hoc que le président Reagan en 1984 a officialisé le retour des USA dans les commémorations en faisant un discours resté dans les mémoires. Désormais  les commémorations  sont systématiques. 


LE CIMETIERE DE COLLEVILLE

Un concept
Les architectes qui ont conçu dans les années 50  ce cimetière ont aménagé 70 ha avec une réelle mise en scène pour en faire  à la fois un haut lieu de mémoire et de recueillement mais aussi de tourisme.
Par sa forme ce cimetière est dans la continuité des cimetières américains existants : une double allée centrale coupée par une autre entre les carrés de tombes où les marqueurs en marbre blanc sont implantés avec un alignement parfait. Des bâtiments néo-classiques : chapelle circulaire multiconfessionnelle,  un mémorial semi circulaire avec une statue et des inscriptions dont les textes ont été savamment pensés pour qu'ils conviennent aussi bien aux familles qu'aux visiteurs, un bassin reflet de la mer, un belvédère qui permet d'appréhender  la plage mythique.
Mais si ce cimetière est magnifié  par des œuvres d'art (mosaïque de la chapelle, cartes géantes, statue de la jeunesse américaine) c'est son paysage qui interpelle : une nécropole verte qui transforme le cimetière en un jardin avec une mise en scène spécifique.

Une nécropole verte
Les plans des paysages sont à soumis à l AMBC qui souhaite une végétation qui clôture le site pour en faire un territoire à part. Le site fait 75 ha mais seulement 15 ha pour cimetière, le reste est un pelouse végétalisée d'un épaisse végétation d 'arbres, de buissons ; pas n'importe lesquels, des cyprès pour la solennité, des chênes pour l'immortalité, des oliviers pour la paix, des haies qui évoquent le bocage...
Le cimetière est un havre de paix, une nécropole verte, à la fois jardin, promenade et cimetière. En effet, la nature évoque l' éternel recommencement...  et le jardin évoque l’Éden, et le paradis
C'est donc un lieu qui accueille les morts et les vivants qui viennent se recueillir, il ne doit pas être repoussoir, mais accueillant sans être trop aseptisé....


Un lieu symbolique pour les  États-Unis

L
e lieu revêt une symbolique particulière  par son emplacement au dessus d' Omaha Beach où  beaucoup sont morts le jour J et  par le nombre de sépultures : 9387 corps. Ce site glorifie la nation américaine, c'est un lieu de gloire à la mémoire des héros tombés, c'est un lieu qui symbolise la victoire d'une nation et la puissance américaine qu'il faut célébrer. Aussi permet-il d'accueillir de grandes manifestations commémoratives présidées par le président des USA.
Tous les présidents américains en exercice depuis Jimmy Carter se sont rendus au cimetière de Colleville (sauf George H. W. Bush qui n'y a effectué qu'une visite privée en 1995) :
-Ronald Reagan en 1984 (pour le 40e anniversaire du débarquement) ;
-Bill Clinton en 1994 (pour le 50e anniversaire du débarquement) ;
-George W. Bush en 2002 (pour le « Memorial Day ») et en 2004 (pour le 60e anniversaire du débarquement) ;
-le dernier en date étant Barack Obama le 6 juin 2009 (pour le 65e anniversaire du débarquement) et le 6 juin 2014 (pour le 70e anniversaire du débarquement).
Les discours de ces visites ont souvent servi aux présidents américains à appuyer la politique étrangère du moment. (voir le dossier "Le tournant de 1984")

Un lieu mythique dans la culture populaire
Le cimetière apparaît dans le film Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de Steven Spielberg, inspiré de l'histoire des frères Niland, dont deux sont enterrés à cet endroit. Il apparaît également dans La Malédiction (1976) de Richard Donner.
La Symphonic Prelude (The Cemetery at Colleville-sur-Mer) de Mark Camphouse est une référence au lieu.
La télévision dans tous les reportages évoquant le débarquement montre systématiquement le cimetière américain de Colleville (et pas ceux de Saint James ou d'Epinal)
Toutefois, c'est véritablement la sortie du film de Spielberg qui a redonné un regain d'intérêt au site ce que la presse a évoqué, 
Ouest-France titre : "La sortie du film de Ryan a dopé le rush des pèlerins pour le 55° anniversaire du D-Day"
ce sera le point de départ de ce que l'on appelle aujourd'hui le "tourisme de mémoire" et de l'engouement pour le cimetière, lieu déjà mythique, qui désormais symbolise  plus que jamais le débarquement.


Le tourisme
Dés le départ le cimetière est conçu pour accueillir des touristes, routes et parkings sont aménagés.
Le cimetière, premier site touristique de Normandie et  11° site le plus visité de Franc, accueille plus de 2  millions de visiteurs par an (en 2014)  dont 60% de français et  25 % d'américains. Il s'agit essentiellement de visites familiales (70%)  de visiteurs âgés de moins de  65 ans  (75%),  à noter que 82% des visiteurs ont vu le film "Il faut sauver le soldat Ryan" mais cela demeure la raison principale pour un quart de ceux qui l'ont visionné. Ceci explique la demande des visiteurs de se rendre sur la tombe du soldat  Ryan (qui n'est pas mort !), sans qu'ils connaissent  la véritable histoire des frères Niland.


Cet afflux de visiteurs s'explique  non seulement par  le spectacle émouvant qu'il offre, mais aussi par la gratuité d'un site ouvert toute l'année, par sa situation au cœur des plages de  débarquement et sa localisation au dessus de la plage d'Omaha Beach.

Un "visitor center" avec un réaménagement des parkings a du être réalisé en 2017 afin de mieux accueillir les visiteurs.

il faut noter la spécificité touristique  du cimetière :  une visite gratuite y compris pour le "visitor center", la possibilité de se promener librement et faire des photos sur un  site "sécurisé",  l'existence de visites guidées, l'absence heureuse d'une "boutique" ou de "buvette".


Un "visitor center"  pour réfléchir (et glorifier  les valeurs américaines)
Un tiers de la superficie est dédié un espace d'exposition. En utilisant des histoires personnelles des participants et un mélange de texte narratif, des photos, des films, des expositions interactives, des expositions dépeignent la compétence, le courage et le sacrifice des forces alliées. L'ensemble est présenté avec beaucoup de sobriété ce qui en accentue la portée.

"Le centre nous permet de mieux raconter l'histoire courageuse de ceux qui sont enterrés au cimetière américain de Normandie», a déclaré le général Frederick M. Franks, Jr., Etats-Unis (retraité), président ABMC. «Le centre offre une meilleure gamme de services aux visiteurs et met le jour J en perspective comme l'un des plus grands exploits militaires de l'histoire."

Le centre rend hommage aux valeurs et aux sacrifices de la génération des soldats de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir connu le cimetière et le centre, les visiteurs doivent avoir "une meilleure appréciation de ceux qui participent à la libération de la Normandie, le rôle de l''Amérique et de ses alliés dans la conduite de la plus grande invasion amphibie de l'histoire et de l'importance d'honorer nos morts."

Le centre veut inspirer les générations futures à explorer, comprendre et reproduire les valeurs pour lesquelles ils se sont battus vaillamment. Il traduit aussi un sentiment de souvenir et offre aux visiteurs l'occasion de réfléchir à  la Seconde Guerre mondiale et de réaliser à quel point elle  a considérablement affecté le cours de l'histoire du monde.


De nouveaux investissements
En 2019, les américains ont décidé d'investir 4 M d'€ dans le cimetière (et aussi 16 M  à la pointe du Hoc). Avant le 75° anniversaire, le visitor center doit être entièrement repensé et rénové : toute l'exposition actuelle va être changée  pour, désormais "raconter de histoires personnelles du débarquement jusqu"à la libération de Paris". D'autres travaux annexes seront réalisés jusqu'en 2020 (parkings, signalétique, toilettes, drainage...)







Le cimetière de Colleville est plus qu'un mythe !  
C'est le symbole du débarquement qui demeure le site incontournable et reste à vie  dans la mémoire du visiteur. Il le mérite.