Les commémorations

Si dés le 11 novembre  1944 eut lieu une cérémonie à Utah Beach,  la première commémoration du débarquement se déroula  le 6 juin  1945, à Arromanches, en présence de l'ambassadeur britannique Duff Cooper, de sa femme, Diana Cooper, et de soldats anglais.



Depuis, chaque année, des commémorations ont lieu le 6 juin pour célébrer le débarquement. Elles sont organisées par le "Comité du débarquement" créé en  mai 1945 par  Raymond Triboulet, premier sous préfet de Bayeux en juin 1944.


Les premières commémorations


1946 : le deuxième anniversaire du débarquement avec de multiples  commémorations franco-françaises officielles et populaires. Elles ont lieu sur les plages d'Arromanches et de Courseulles ou encore aux cimetières militaires de Sainte-Mère-Eglise et de Bény-sur-Mer. Les mémoires, la victoire ainsi que la liberté sont honorées et des enfants font le geste symbolique de lancer des fleurs dans l'eau.






1952 : Anniversaire du débarquement à Sainte-Mère-Eglise
le Général Ridgway, commandant la 82e Division aéroportée américaine commémore le débarquement des alliés à Sainte-Mère-Eglise.



Désormais seuls les grands anniversaires décennaux revêtent une ampleur exceptionnelle


1954: 10° anniversaire  célébré à Arromanches et, premier anniversaire "décennal"
10 ans après le débarquement, le Pdt. René Coty accompagné de Joseph Laniel, président du Conseil, adresse un vibrant hommage aux libérateurs en présence de nombreux généraux alliés (Ridgway et Collins pour les américains qui iront à Utah Beach).

R Coty  inaugure aussi le musée d'Arromanches.




Discours de R Coty










1964 / 1974 De pâles commémorations

Années 60 : De réellles tensions diplomatiques
 Lors du retour du Général de Gaulle  à la tête de la France en  1958, sa volonté de mener une politique de défense indépendante  et de se retirer de l'Alliance atlantique  n'était pas appréciée par les autres pays de l'Otan, en particulier USA et RU. En juin 1964 De Gaulle refuse de se rendre  en Normandie pour les commémorations. L' ambassadeur américain à Paris reproche  à De Gaulle de considérer : "La plus grande opération militaire de  tous les temps comme une non-histoire"
De Gaulle se justifie devant Alain Pierrefitte, ministre de l'information : "Le débarquement du 6 juin, ce fut l'affaire des anglo-Saxons, d'où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s'installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie, et comme ils s'apprêtaient  à le faire en Allemagne ! (...) Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France  à mesure de leur avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis (...) et vous voudriez que j'aille  commémorer leur débarquement, alors qu'il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non ne comptez pas sur moi ! je veux bien que les choses se passent gracieusement, mais ma place n'est pas là !(..) Et puis ça continuera à faire croire que, si nous avons été libérés, nous le devons qu'aux américains. Ça reviendrait à tenir la résistance  pour nulle et non avenue.  Il ne faut pas  y céder (...) Allons, allons, Peyrefitte, il faut avoir plus de mémoire que ça ! Il faut commémorer La France et non les anglo-saxons ! Je n'ai aucune raison de célébrer ça avec éclat. Dites le à vos journalistes (..) Ceux qui ont donné leur vie  à leur patrie sur notre terre, les anglais, les canadiens, les américains, les polonais, Sainteny et Triboulet seront là pour les honorer dignement."

En ce qui concerne  l'Amgot, J Quellien précise : « Sait-on que les Américains n’ont jamais eu, contrairement aux affirmations gaullistes, l’intention d’instaurer un gouvernement en France, l’AMGOT ?  ce que confirme cette déclaration du 9 avril 1944

De Gaulle amplifie le mythe selon lequel la France s'est libérée toute seule de l'occupation nazie après les 4 années d'occupation ;  il veut avant affirmer  le rôle de la France dans le monde après les défaites en Indochine et  en Algérie, et donc en 1966 la France sort officiellement de l'Otan.
De Gaulle  exige donc  le départ des 28000 soldats américains stationnés en France. Le secrétaire d’État américain D Rusk  lui demande, avec ironie : "Est-ce que cela inclut les morts américains dans les cimetières militaires? ". Désormais les tensions sont fortes et une  vague de francophobie va régner aux USA.

1964 :  20° anniversaire
Pour la première fois, 20 ans après le débarquement, les cérémonies de commémoration sont retransmises en Eurovision, toutefois la représentation politique est encore limitée :  Le Général De Gaulle, Président de la république, décide de s'abstenir (représenté par le ministre des anciens combattants) et préfère célébrer le 15 Août le débarquement en Provence pour rendre hommage aux forces françaises engagées dans l"opération Dragon.

L Johnson, le président US enverra un message  sibyllin "Les nations qui se sont unies pour les heures graves de la guerre ne doivent pas être divisées dans ces heures pleines de paix et d'espoir"
Les autres nations envoient leur ambassadeur











1974 : 3
0° anniversaire

Les commémorations s'accompagnent de reconstitutions sur les plages du Débarquement.
Le nouveau président Giscard d'Estaing qui vient d'être élu fait l'impasse tout comme R Nixon et la reine d'Angleterre






Depuis 1984, une ère nouvelle de commémorations avec le tournant  "Reagan !

Jimmy Carter a été le premier président des USA à venir en Normandie (Omaha et le cimetière de Colleville) en Janvier 1978, accompagné de Giscard d'Estaing, pour une visite hors commémoration qui eut peu de retentissement mais cette première fut suivie...

Le tournant est dû à François Mitterrand qui, en 1984, transforme la cérémonie militaire d'alors en cérémonie politique où sont invités les chefs d'État. L'historien Olivier Wieviorka note ainsi : « dorénavant, les commémorations ne sont plus axées sur l'idée de victoire, mais sur l'idée de paix, de réconciliation et de construction européenne ». Cela va de pair avec une américanisation de l'évènement, qui se manifeste avec l'emprunt à l'anglais américain du terme « vétéran »


1984 : 40° anniversaire à Utah Beach, le tournant avec la présence et le discours de R Reagan (lire l'article dédié)

Ronald Reagan est donc le premier président américain à venir en Normandie pour une commémoration officielle. Il est reçu par F Mitterrand mais on verra également les souverains d'Angleterre, Pays-Bas, Norvège, Belgique, Luxembourg et le premier ministre canadien : avec sept chefs d'Etat présents, cette commémoration prend une dimension sans précédent.
-Ronald REAGAN était à la pointe du Hoc pour commémorer la prise de la citadelle allemande par les rangers. 
-François MITTERRAND s'est rendu à Bayeux au mémorial de la Libération où il s'est recueilli longuement puis il a rejoint la reine ELIZABETH et le prince PHILIPPE au cimetière anglais.
-Le président français s'est rendu ensuite à Colleville où il a été accueilli au cimetière américain d'Omaha Beach par Ronald REAGAN. Le président américain a rendu hommage dans un discours aux résistants français.
- C'est à Utah Beach que tous les souverains et chefs d’États se sont retrouvés. Les troupes de six nations étaient représentées sur la plage. Dans son discours, François MITTERRAND a évoqué tous les combattants y compris les allemands. 




A la pointe du Hoc, le Pdt. Reagan vient saluer la mémoire des soldats du 2e bataillon de Rangers qui ont payé un très lourd tribu au débarquement.


L'année 1984 est devenue un tournant dans les commémorations : un article est donc dédié


1994 : 50° anniversaire à Omaha Beach


A Omaha Beach, cérémonies officielles du 50ème anniversaire du débarquement en présence de nombreux chefs d'Etat (
invités, au premier rang, le duc d'Edimbourg, la reine Elizabeth, François Mitterrand, Daniele Mitterrand, Bill Clinton. Au deuxième rang, les ministres français et Philippe Seguin.)
 Arrivée de cinq barges de débarquement, sonnerie aux morts à l'apparition des barges du débarquement. Discours d'un civil, mi en français mi en anglais qui remercie les Allies pour ce qu'ils ont fait et du président François MITTERRAND

 "L'Europe sauvée..." -Bill Clinton écoute  avec un  écouteur dans l'oreille. Les vétérans iront  ramassé du sable de la plage en souvenir.











Le Pdt. François Mitterrand souligne le chemin parcouru par les ex-belligérants européens. La construction européenne rend désormais impossible un tel conflit




2004 : 60° anniversaire  à Arromanches

Cet anniversaire a failli subir aussi des tensions franco-américaines... En 2003, la France refuse d'envoyer des troupes en Iraq au côté des anglais et américains, ce qui est perçu comme une ingratitude à l'égard d'une nation qui  sacrifia ses jeunes pour la France. Il y eut même un "Acte de rapatriement des héros américains" demandé par des républicains de Virginie  appuyé par la presse locale "Des millions de dollars sont collectés chaque année par la France de la part des patriotes américains venant rendre visite à leurs proches inhumés (..) Ce n'est pas normal (..) de la part d'un pays qui a changé de position à notre égard". Il n'y eut jamais  de suite  à ce texte qui ne fut pas approuvé par le Congrès. Suite à des actes de vandalisme sur des tombes  de la première guerre mondiale à Etaples, en avril 2003 ("Death to yankees"), le président J Chirac dut s'excuser. 
Ainsi la poignée demain entre G Bush Jr et J Chirac fut-elle hautement symbolique le 6 juin 2004...


Le 60ème anniversaire du Débarquement rend en 2004 hommage aux libérateurs alliés, à la Résistance et aux victimes civiles. Des vétérans de toutes les nations ayant combattu en Normandie en 1944 sont invités. Des cérémonies binationales marquent l’anniversaire du Jour J en plusieurs sites et lieux emblématiques, avec une grande cérémonie internationale à Arromanches. Des messages de paix et d’amitié entre les peuples et les nations sont portés par tous les participants.

Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondial sont invités d'une part 
Vladimir Poutine, le président de la Russie, et, d'autre part,  le chancelier allemand. Lors de son discours, le président Chirac a notamment estimé que la présence du Chancelier, Gerhard Schöder, un "moment de très grande émotion", témoignait du "long et patient travail de réconciliation" entre la France et l'Allemagne.
La portée symbolique et politique était évidemment très forte.






Compte rendu des différentes cérémonies. 

Cérémonie internationale à Arromanches, franco-américaine à Colleville-sur-Mer et franco-anglaise à Bayeux, par les équipes de France 3 Basse-Normandie.

Le long reportage de France 2 (44mintes!)




2009 : le 65° et la surprise Obama  qui débarque en Normandie!
Le venue surprise du nouveau  président Obama va donner  au 65° un retentissement inhabituel pour une célébration quinquennale, toutefois il faut rappeler que le 20 janvier 2009, dans son discours d'investiture au Capitole à Washington, Barack Obama rend hommage à tous les Américains qui ont participé à la Bataille de Normandie. (voir la vidéo archive)



Le 6 juin 2009, Le président des Etats-Unis Barack Obama a présidé, en présence du président Sarkozy, des Premiers ministres canadien Stephen Harper et britannique Gordon Brown et du prince Charles, une cérémonie officielle au cimetière américain de Colleville-sur-mer. Quelques 7000 invités assistaient à la cérémonie, dont plusieurs centaines de vétérans, mais ce jour la vedette c'est l'invité personnel d'Obama : l'acteur Tom Hanks, héros du film "Il faut sauver le soldat Ryan" de Steven Spielberg (1998) 




2014 : 70° anniversaire à Ouistreham

Le 6 juin 2014 en présence de 8000 invités dont 1800 vétérans et 19 chefs d'Etat, et de gouvernement, une cérémonie internationale se déroule à Ouistreham autour du président F Hollande, sous les projecteurs du monde entier (5 millions de téléspectateurs en France ; 1,2 milliards dans le monde). Étaient présents 1800 vétérans, 19 chefs d’État et 8000 invités d’honneur et Ouistrehamais en tribunes.
En fait, 26 cérémonies officielles sont organisées, en particulier:
-Cérémonie nationale française : La cérémonie nationale d'hommage aux civils victimes de la bataille de Normandie a lieu à 9 h devant le Mémorial de Caen, présidée par le président de la République française François Hollande, en présence de 1 000 invités.

-La cérémonie franco-américaine a lieu à 10 h 30 au cimetière américain de Colleville-sur-Mer en présence du président de la République française François Hollande et du président des États-Unis Barack Obama. 


2019 : Un 75° anniversaire  sans commémoration officielle !  



Comprendre cette évolution

Le rôle de R Triboulet
Secrétaire du Comité départemental de libération du Calvados au moment du débarquement du 6 juin 1944, il devient le premier sous-préfet des régions libérées et de Bayeux le 15 juin 1944, nommé par De Gaulle.Dès mai 1945, il crée un" Comité du débarquement" qui a déjà un double objectif : "Commémoration du débarquement par tous les moyens et notamment par le développement du tourisme dans la zone de débarquement.. organisation de cérémonies (pris en charge par le gouvernement mais organisé par le comité), conférences, expositions, musées, monuments..."
Triboulet, devenu député, est préoccupé  par la préservation de sites et surtout par une vraie politique de tourisme de mémoire  qu'il fait voter dans une loi le 21 mai 1947. On y parle clairement de "propagande du souvenir" "lieu de pèlerinage" " développer l'infrastructure hôtelière et routière". En fait,les touristes attendus sont...les vétérans et les familles de disparus.

D'abord des commémorations militaires
Jusque dans les années 1980, les commémorations du débarquement sont essentiellement militaires : les chefs d'État ne sont pas représentés. Leur mise en place après la guerre doit beaucoup à Raymond Triboulet, député du Calvados et plusieurs fois ministre des Anciens combattants. Aucun président américain ne vient sur les plages normandes avant Ronald Reagan. Ce phénomène commémoratif assez récent tient en particulier aux réticences du général de Gaulle à célébrer une opération militaire anglo-américaine, dont les Français avaient été en grande partie exclus. En 1964, le général de Gaulle refuse de participer au 20e anniversaire du Débarquement ; il délègue l'un de ses ministres qui déclare que le succès du D-Day était dû à la résistance française. Mais dans le contexte de guerre froide, afin de montrer aux Soviétiques que la Seconde Guerre mondiale n'avait pas uniquement été gagnée à l'est mais aussi à l'ouest, le bloc occidental décide de médiatiser davantage ce cérémonial.

Puis des commémorations politiques : Le tournant avec F Mitterrand Le tournant est dû à François Mitterrand qui, en 1984, transforme la cérémonie militaire d'alors en cérémonie politique où sont invités les chefs d'État. L'historien Olivier Wieviorka note ainsi : « dorénavant, les commémorations ne sont plus axées sur l'idée de victoire, mais sur l'idée de paix, de réconciliation et de construction européenne ». Cela va de pair avec une américanisation de l'évènement, qui se manifeste avec l'emprunt à l'anglais américain du terme « vétéran ». Après la chute de l’URSS, d'autres nations se joignent aux commémorations, comme en 2004 l'Allemagne (avec le chancelier Gerhard Schröder) et la Russie de Poutine.

Conséquences
Les quatre dernières commémorations décennales avec ses invités prestigieux ont attiré les médias nationaux et internationaux sur la Normandie et ses plages, désormais partout on associe la fin de la deuxième guerre  à la réussite du débarquement en un lieu : les plages normandes.
Dés lors le tourisme ne fait que s'accroître!


Source et compléments
https://www.thinglink.com/scene/523797461781708801?buttonSource=viewLimits