Propagande et médiatisation au service du mythe

Pendant l'attente du débarquement, la population occupée subit la propagande, nazie (et alliée), essentiellement par les affiches, la radio et le cinéma ; le débarquement fut aussi fortement médiatisé mais à un autre niveau, avec des moyens puissants, afin que le monde entier en ait connaissance. Ces images ont marqué la mémoire et sont toujours disponibles et utilisées afin de démonstration à l'occasion des commémorations aussi bien par la presse écrite que par la télévision. Elles reflètent l'imprégnation dans les esprits d'une certaine représentation de la guerre. Cette médiatisation contribue à assurer au débarquement son aspect mythique et lui assurer une belle postérité.

La propagande

"La propagande de Goebbels est une de nos armes de guerre les plus efficaces" (Adolf Hitler, 11 mars 1933). La propagande nazie utilise donc tous les moyens : cinéma, livres, peinture, sculpture, architecture et affiches pour offrir une image embellie du 3éme Reich, à l'intérieur des pays occupés et aux yeux du monde. En fait, c'est un outil psychologique d’asservissement des peuples occupés au service de la doctrine raciale officielle. Bien sûr, elle dénonce ses ennemis sanguinaires et n'hésite pas à exploiter les divisions et discordes entre Staline Roosevelt et Churchill



  


Pour riposter les britanniques ont créé en 1941 un organisme "Political Warfare Exectuive, PWE" et les américains, en 1942, l"'Office of War Information , OWI" avec sa radio gouvernementale "Voice of America" dont le but est de saper le moral ennemi et soutenir celui des pays occupés, en utilisant tous les possibilités, comme la guerre psychologique foncièrement mensongère ou, à l'opposé énoncer toute la vérité. Les supports de diffusion sont classiques comme les tracts et la radio avec la création de nombreuses stations clandestines mais aussi des millions de brochures et tracts parachutés, journaux et magazines ("Victory" ), bandes dessinées, posters et ce, en différents langages.





Un journal fut spécialement créé à destination des troupes allemandes pour leur saper le moral , le "Nachrichten fûr die Truppe" qui passa en avril 44 à 200.000 exemplaires puis à 1 million le jour J et les jours qui suivirent. Son originalité est qu'il donnait des renseignements exacts pour montrer les défaites nazies, la corruption en Allemagne et et, ajoutait pour accroître l'attrait une photo de pin-up !



Le Jour J

En vue du débarquement des tracts spécifiques furent créés à destination de catégories biens spécifiques de population:

-les ouvriers de transport
-les troupes allemandes dans la zone débarquement, pour les inciter à se rendre, avec un tract de "sauf conduit" ( Safe conduct pass)
-la population des zones de débarquement avec un tract "danger imminent"




La médiatisation du débarquement : presse, photos et films

La nouvelle du débarquement fait rapidement le tour du monde : "les alliés ont débarqué en France". Tout le monde s'y intéresse et suit les bulletins d'information, à Londres comme à New York : un mari, un fils, un frère, un ami y participe. On s'inquière, on chante des chants patriotiques, on prie,on donne son sang, les cloches sonnent, les sirènes hurlent. La vie s'arrête, le coeur cogne fort, l'angoisse gagne : "This is The Day!" le D-day !

Même dans les camps de concentration la nouvelle parvient à filtrer; comme à Buckenwald : "Une grande nouvelle, depuis ce matin, le débarquement a commencé en France! surtout du calme...". Partout on espère.

Les allemands aussi annoncent l'invasion. Le Fürher est satisfait, et annonce à son réveil vers 10 Heures: "Cette fois, nous y voilà !". Il est persuadé que c'est une diversion, le sourire et l'optimisme règnent. Il attend 14 h pour faire intervenir les Panzer Lher et la 12° SS Hitlerjugend qui démarre vers 17h depuis l'Eure et Loire. Il faudra du temps pour atteindre la Normandie

La presse allemande indique que les alliés ont de très grosses pertes face à la contre offensive allemande. En France Paris Soir, aux mains de Vichy, titre : " De puissantes formations qui avaient pénétré dans l'embouchure de l'Orne sont taillées en pièces ainsi qu'une grande partie des parachutistes".. "de nombreux prisonniers anglais ont été faits!".

Pétain parle aux français : "N'aggravez pas nos malheurs par des actes qui risqueraient d'appeler sur vous de tragiques représailles..."

 6 juin



7 juin

7 juin

8 juin

7 juin



27 juin


11 juin

17 Juillet



La médiatisation du débarquement dans la presse et dans les actualités cinématographiques a été continuelle en 1944 et 1945. Au début du débarquement seuls titres et textes l'évoquent, ensuite des cartes le précisent, mais il faudra encore attendre quelques jours pour voir apparaître les premières photos et films d'actualités américaines.


Mais que montrait-on exactement du débarquement et de la guerre ? Il n'est pas question de montrer des images trop atroces, en particulier de montrer des morts avec toute l'horreur de la guerre, bien que  quelques très rares journaux le fassent. La réalité est tronquée mais pouvait-il en être autrement ?


De plus les images affichées sont souvent recadrées, parfois falsifiées (on ne doit pas savoir où exactement elle a été prise ni le grade du soldat montré). Les images viennent du travail des photographes, à ce titre elles sont devenues emblématiques et signifiantes d'autant qu'elles sont peu nombreuses. Il s'agit du travail, bien connu, du photographe Robert Capa, chargé de “couvrir” les troupes américaines en compagnie de Bert Brandt de Acme, pour les premières images d’Omaha Beach. Les deux images à Omaha Beach les plus connues et représentées sont celle prise à bord d’une péniche de débarquement et celle représentant un G.I. rampant sur la plage, avec en arrière plan les tétraèdres et les silhouettes d’autres G.I.s cherchant refuge derrière ces obstacles. De toute évidence, c’est la dramatisation de l’instant qui donne toute sa force à ce type de cliché. Il y avait aussi quantités de photos représentant les défenses édifiées par l’ennemi, des vues de la plage jonchée de cadavres et de carcasses de blindés avec en arrière plan les barrages de ballons arrimés aux navires par des câbles d’acier afin d’empêcher l’aviation allemande d’attaquer en vol rasant, des photos de soldats blessés, des photos aériennes, etc.
Pourtant, ce sont les dix photos de Robert Capa représentant la première vague d’assaut progressant difficilement dans l’eau, ou cherchant à s’abriter sur la plage, publiées dans Life le 19 juin 1944 que l'histoire et mémoire ont retenu, "The Magnificent Eleven". Ces photos, aussi sont une histoire contestée (voir notre dossier "Capa") , elles ont été sauvées après une malencontreuse erreur de manipulation, pour devenir les photographies quasi "officielles" du débarquement.

La grossièreté du grain et le flou de l’image leur confèrent une authenticité reflet de la réalité du débarquement à Omaha Beach.

De même le montage des films répond à une stratégie bien huilée de mise en scène d'images. Pour les actualités, en film de 16 ou 35 mm, il n'y avait pas à l’époque d’équipement de prise de son, ensuite on ajoutait la voix du commentateur, avec bruitages et éventuellement la musique. Le résultat du montage était dramatisé par la mise en scène et par la voix et le choix du texte, amplifié par une bande-son omniprésente. Une cacophonie étudiée... Une réalité bien transformée qu'affichaient les actualités et les “screen magazines”.




Une partie de l'histoire du débarquement repose sur l'utilisation systématique de la guerre psychologique mensongère par la propagande et la désinformation. Après le débarquement les médias avaient assez peu de documents objectifs (rares photos et films montés) à montrer, aussi pour décrire une histoire de l'Histoire du débarquement seul le texte importait, et donc déjà cette histoire était en partie travestie.

Cette situation a bien servi le mythe qui désormais exploite les fictions représentées par le cinéma américain plutôt que les rares photos ou films d'archives historiques.



Sources et Compléments
https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2002-4-page-79.htm
http://beninois.free.fr/index.php?cat=propagande-nazie
http://revel.unice.fr/cycnos/index.html?id=365