Tourisme de mémoire et Collectivités

Beaucoup de visiteurs ! 


A l'origine, le rôle de R Triboulet
Secrétaire du Comité départemental de libération du Calvados au moment du débarquement du 6 juin 1944, il devient le premier sous-préfet des régions libérées et de Bayeux le 15 juin 1944, nommé par De Gaulle.Dès mai 1945, il crée un" Comité du débarquement" qui a déjà un double objectif : "Commémoration du débarquement par tous les moyens et notamment par le développement du tourisme dans la zone de débarquement.. organisation de cérémonies (pris en charge par le gouvernement mais organisé par le comité), conférences, expositions, musées, monuments..."
Triboulet, devenu député, est préoccupé  par la préservation de sites et surtout par une vraie politique de tourisme de mémoire  qu'il fait voter dans une loi le 21 mai 1947. On y parle clairement de "propagande du souvenir" "lieu de pèlerinage" " développer l'infrastructure hôtelière et routière". En fait,les touristes attendus sont...les vétérans et les familles de disparus.

 Raymond Triboulet est  à l'origine du musée du débarquement à Arromanches inauguré  officiellement le 5 juin 1954 par Monsieur René Coty, Président de la République. Il s'agit du premier musée construit pour commémorer le 6 juin 1944 et la bataille de Normandie. I
l a été financé par la vente des épaves du port artificiel d’Omaha-Beach.


Donc très tôt les préoccupations touristiques sont apparues, menées par R Triboulet. Il a réussi :  aujourd'hui, un visiteur sur deux est attiré par le tourisme de mémoire !


Le tourisme de mémoire

Chaque année plus de 6 millions de touristes français ou étrangers parcourent l'Hexagone pour découvrir des lieux de mémoire.
Ce concept de « Tourisme de Mémoire » date des années 2000, au moment où les secrétariats d’État en charge du Tourisme et des Anciens Combattants se sont rapprochés dans l'optique d'assurer la transmission de la mémoire des conflits du XXe siècle aux jeunes générations. Il consiste en "une démarche incitant le public à explorer des éléments du patrimoine mis en valeur pour y puiser l'enrichissement civique et culturel que procure la référence au passé", selon une définition de F Cavaignac et H Deperne dans « Les Chemins de mémoire, une initiative de l’État ».
Cette forme de voyage permettrait de remplir 4 objectifs principaux : témoigner des événements passés, les expliquer et les mettre en perspective, contribuer à la réflexion des générations futures et favoriser le développement économique de territoires souvent dépourvus d'autres atouts touristiques.

Cette forme de tourisme a subi une évolution, avec un passage d'une étape à l' autre qui correspondrait au vécu des générations, mais, actuellement, ces dimensions ont tendance à se mêler.
Les étapes:
Le Tourisme de Souvenir désigne la première forme de tourisme dont la finalité est le recueillement et se traduit par des commémorations.
Le  Tourisme Mémoriel concerne le cheminement par lequel une zone de conflit entre au sein du champ de la visite et du séjour touristique
Le  Tourisme de Mémoire signifie le temps de l'explication accompagné d' un travail de pédagogie et de mise en perspective destiné à un public plutôt scolaire.
Le  Tourisme d'Histoire  résulte d'un élargissement de la thématique et concerne tous les publics et se retrouve en musées ou en centres d'Interprétation.

En fait aujourd'hui ce que l'on appelle le "tourisme de mémoire" demeure un équilibre fragile entre ces différentes formes de tourisme, d'autant qu'il dépend aussi des perceptions individuelles et collectives du conflit concerné. De là, une grande diversité des approches selon que l'on soit le spectateur ou un des acteurs, privé ou public, de ce tourisme.
(source)




L'impact du tourisme en Normandie 

Le poids économique 

La Basse-Normandie est la région qui concentre le plus de sites mémoriels marchands. Le tourisme de mémoire en Normandie représente 5 millions de visites par an en moyenne et 6 millions lors des grands anniversaires. Ce tourisme dit « de mémoire » représente pour elle plus de 200 millions d'euros de retombées économiques annuellestrois mille emplois salariés dans le seul Bessincinq millions de visites enregistrées par an — et presque six en 2014, avec le pic du 70e anniversaire.



La Normandie  offre de 1,1 millions de "lits touristiques"essentiellement dans le Calvados  (40%)  et surtout en hébergement de "plein air". A noter qu'il s'agit essentiellement de courts séjours, de moins de 4 nuits pour les 2/3. Les touristes sont  75% de français et 25% d'étrangers et recherchent d'abord le le tourisme de mémoire (1/3 des visiteurs). Sur le plan économique normand le tourisme crée 38.600 emplois et représente près de 6 % du PIB normand, c'est encore le Calvados qui en profite le plus (6% des emplois sont liés au tourisme)
Source des données


Il faut donc attirer ces touristes, les héberger, les nourrir, les transporter, les guider les distraire, leur fait acheter des souvenirs, des livres, leur faire déguster les produits locaux... de quoi faire un bon business ! et les normands se sont bien organisés pour  y parvenir


Les lieux du tourisme de mémoire
La Normandie propose plus de 52 sites de mémoire pour 4.624.000 visites en 2016, mais en fait 10 sites  réalisent 80% des visites totales. Les visiteurs étrangers (43%) sont  presque aussi nombreux que les français (57%), il s'agit d'américains, d'anglais, de belges essentiellement. Pour finir, il faut préciser que 40% des visiteurs sont des groupes.



Pour le secteur d'Omaha, le cimetière américain de Colleville, premier site touristique de Normandie et  11° site le plus visité de France, accueille plus de 2  millions de visiteurs par an (en 2014)  dont 60% de français et  25 % d'américains. Le site de la Pointe du Hoc accueille environ 1 million de visiteurs chaque année.



Les initiatives des collectivités

La région
Pour accélérer le tourisme de mémoire, les collectivités, soutenues par les services del'Etat,  ont pris des initiatives.

1987 : la région crée une association  "Normandie Tourisme" qui met en place un "Comité Régional de Tourisme de Normandie". Il  consacre un important dossier en ligne avec des guides à télécharger, notamment le "Guide du D-Day"

1991: Aménagement  d'un "Espace  historique de la bataille de Normandie"  avec 8 parcours de visite proposés aux touristes.

1994: le conseil régional met en place "Normandie-terre de liberté" dont la mission est l'organisation du 50° anniversaire.











2004: Le conseil régional crée l'association "Normandie mémoire" dont le but est de communiquer davantage, surtout sur internet.

2004: Les services de l'Etat (DIREN /DREAL) met en place une opération "Grands sites" pour réaménager  11 lieux significatifs.

2007: création d'un "Pass" qui propose des tarifs forfaitaires intéressants pour la visite des musées.


Intercom
Dans les années 2010, l'intercommunalité d'Omaha se dote d'un "Office de Tourisme" qui propose un site web de l'OT d'OmahaEntre temps l'intercom a évolué en s'agrandissant  et, désormais se nomme "Isigny-Omaha Intercom", et donc, perd,  par cette appellation, son identité puisque le terme "Isigny" est en premier.
Jusqu' à présent le site Web de l'Office de Tourisme d'Omaha se révèle particulièrement maladroit, peu convivial, ne présente aucun historique des évènements et donne une curieuse  liste de "Sites du D-Day"  qui mélange tout et n'importe quoi ! un raté. Le visiteur aura beaucoup de mal  à s'y retrouver et surtout à  s'informer sur les lieux historiques de qualité  à visiter.








Liste des SITES DU D-DAY par l'OT d'Omaha (2018) :  
-Musée D-Day Omaha à Vierville
-Libairty club ULM à Colleville 
-Cimetière militaire allemand à La cambe
-HéliEvènements à Englesqueville 
-Maison de la libération à Saint Laurent 
-Visitor Center  à Colleville
-Cimetière américain de Normandie à Colleville
-Musée mémorial d'Omaha Beach à  Saint Laurent 
-Musée mémorial d'Omaha BeachOverlord Museum à  Colleville 
-Overlord Museum Big red one à  Colleville  (sité 2 fois) 
-La Pointe du Hoc - Ranger Monument à Cricqueville 
-La battery de Maisy

S'ajoute l'inévitable lien vers le "Festival D-Day".


Les communes
Le tourisme se développant, les communes ont  souhaité se valoriser malgré l'absence de vestiges  et traces du débarquement. En effet les vestiges visibles du débarquement sont rares ce qui peut provoquer une forte déception pour le visiteur. Que trouve-on? 

Les rares vestiges peu mis en valeur
En parcourant la plage d 'Omaha Beach, le touriste est déçu car il n'y pas grand chose  à voir ce qui explique  la mise en place de panneaux d'informations,  l'inflation de plaques souvenirs. L'existence  de la statue "les Braves" a permis de retenir enfin les touristes à  Omaha, mais seulement pour quelques minutes, le temps de faire des photos.... Il faut dire aussi que la présence du cimetière de Colleville et de la pointe du Hoc phagocytent  les touristes qui dédaignent les rares autres vestiges.
Et pourtant,  en 1946, le New York Times titre "Les plages de Normandie ne seront pas déblayées" et que " toutes les traces de combat seraient soigneusement gardées sur place". La vie a repris toute sa place et a nettoyé les traces du passé sauf à un seul endroit  : la pointe du Hoc  a conservé son paysage lunaire car  les agriculteurs ont reçu une bonne indemnité pour libérer le site que l'on connaît.
On apercevra à marée basse, avec un fort coefficient de marée, les vestiges du port, on grimpera sur la falaise pour voir des vestiges du "mur de l'Atlantique". Seuls les restes de quelques bunkers  sont aujourd'hui accessibles, bien visibles mais mal indiqués   : blockhaus de  WN  72 à Vierville, du WN 65  au Ruquet et des  WN 60, 61 et 62 de Colleville. Toutefois les explications pédagogiques  manquent : le visiteur ne tirera pas grand chose de sa visite  (sauf une photo) C'est dommage.


Les 8  panneaux informatifs "historiques"  
Ce travail a été réalisé par  une association "ADTLB" et financée par divers organismes et collectivités locales.
Ces 8 panneaux informatifs historiques (version pdf)  bilingues et accompagnés de plans, photos sont désormais  à la disposition des visiteurs sur  huit lieux d'Omaha.




Des plaques, des stèles, des monuments ...à foison ! 

Le site d'Omaha Beach fourmille de panneaux, stèles, plaques...une trentaine.
  • Vierville : le record de plaques et stèles !
Plaque 121st Engineer Battalion 
Plaque commémorant la destruction du mur anti char, le 6 juin 1944 vers 17h, par le 121st Engineer Battalion de la 29th US Infantry Division.

Plaques 81st CM Battalion & 110th FA Battalion 
Deux plaques à la mémoire des 81st Chemical Mortar Batallion, et de la B Battery du 110th Field Artillery Batallion.

Plaque 5th Ranger Battalion 
Plaque commémorant l’engagement des Rangers américains du 5th Ranger Battalion qui ont débarqué ici le 6 juin 1944, sous le commandement du General Norman Cota, au cri de ralliement « Lead the way Rangers ».

Plaque QG 11th Port 
Cette plaque rappelle que le Quartier général du 11th Port fut installé dans ce château, du 8 juin au 21 juillet 1944.


Stèle 6th Engineer Special Brigade 
Stèle à la mémoire de tous les soldats de la 6th Engineer Special Brigade qui ont combattu et sont morts pour la liberté. « The fight for the first thousand yards » – Colonel Paul W. Thomson CE commanding. 

Stèle 29th US Infantry Division 
Stèle dédiée à la 29th US Infantry Division, qui a débarqué sur la plage d’Omaha le 6 juin 1944.

Stèle 58th Armored FA Battalion
 Stèle dédiée au 58th Armored Field Artillery Battalion qui débarqua à Vierville-sur-Mer le 6 juin 1944.

Stèle Jean Roger Sainteny 
Stèle à la mémoire de Jean Roger Sainteny, membre de la Résistance et du réseau Alliance,

Stèle Royal Air Force 
Stèle particulièrement dédiée aux techniciens radio et radar de la 2nd Tactical Air Force ; ils contribuèrent à la sécurisation aérienne de la tête de pont d’Omaha Beach le Jour J, six d’entre eux furent tués et reposent au cimetière britannique de Bayeux. 

Monument National Guard 
Monument à la mémoire des unités de la National Guard qui participèrent à l’assaut du jour J, les 6 et 7 juin 1944.

Monument premier cimetière américain en Normandie 
Monument indiquant l’emplacement du premier cimetière américain en Normandie, installé sur la plage d’Omaha Beach.

Passerelle Mulberry 
Cette passerelle était un élément du port artificiel d’Omaha Beach, détruit le 19 juin par une tempête.

Statue en bronze La statue représente deux G.I., le premier tenant le deuxième, qui tombe à terre, fauché par une balle. (2014)



  • Saint Laurent sur Mer
Plaque de l’opération Aquatint 
L’opération Aquatint fut menée le 12 septembre 1942 par un commando britannique dirigé par le Major March Philipps.

Plaque 467th AAA – Provisional Engineer Special Brigade Group – Stèle 2nd US Infantry Division 
Deux plaques sur le blockhaus : l’une dédiée au 467th Anti-aircraft Artillery Automatic Weapons Battalion, l’autre au Provisional Engineer Special Brigade Group. Une stèle à côté est dédiée à la 2e Division d’infanterie américaine.

Plaque Bernard Dargols 
Plaque en l’honneur de Bernard Dargols, français engagé volontaire dans l’Armée américaine. Il débarqua sur Omaha Beach le 8 juin 1944 au sein de la 2e division d’infanterie, et combattra sous l’uniforme américain jusqu’en Allemagne.

Plaques sur les tombes des 3 commandos britanniques "Aquatint"
Un commando britannique débarque dans la nuit du 12 septembre au 13 septembre 1942 sur la plage.L'opération échoue: le major M Philipps (34 ans) chef de commando, R Leonard (42 ans) et AM Willimams (22 ans) sont tués et enterrés au cimetière 

Stèle aérodrome A21C 
Stéle commémorant le premier aérodrome américain opérationnel en  Normandie le 8 juin. Il permit d’évacuer les nombreux blessés des plages d’Omaha. Il fut construit par le 834th Air Engineer Battalion de la IXth US Air Force. 

Monument Signal de la Libération Fresques 1st US Infantry Division et 116th RCT 
Monument commémorant le débarquement des Forces alliées le 6 juin 1944 sur Omaha Beach, et la libération de l’Europe. On peut voir de chaque côté du monument deux fresques, l’une dédiée à la 1st US Infantry Division, l’autre au 116th Regimental Combat Team de la 29th US Infantry Division. 

Blockhaus WN 65 
La position fortifié codée WN 65 (Wiederstand Nest 65) commandait la vallée du Ruquet qui menait au sommet du plateau. La casemate type H667 constituait le point central de la position, elle abritait un canon antichar PAK 5 cm qui se trouve encore dans l’abri. 

Sculpture « les Braves »
 Œuvre monumentale du sculpteur Anilore Banon en hommage au courage des soldats des Forces alliées. 


  • Colleville sur mer
Observatoire et obélisque 1st US Infantry Division
 Cet observatoire présente la zone de débarquement de la 1st US Infantry Division, et retrace les combats de l’unité jusqu’à la capture de Caumont-l’Eventé. L’obélisque est un mémorial à la « Big Red One ». Légèrement en contrebas à droite de l’obélisque, un panneau présente le plan détaillé du système défensif du point fortifié allemand WN 62. Il permet d’en redécouvrir les traces sur le terrain. 

Monument 5th Engineer Special Brigade – Plaques 299th et 20th Combat Engineers – Plaque 146th Engineer Combat Battalion 
Monument consacré à la 5e Brigade Speciale du Génie. Sur les différentes faces on peut lire toutes les unités composant la Brigade, plusieurs plaques dédiées aux 299th Combat Engineers, 146th Engineer Combat Battalion, 20th Combat Engineer, et une liste des soldats tombés à Omaha Beach. 

Plaque 31st Canadian Minesweeping Flotilla 
Plaque présentant le rôle des dragueurs de mines de la 31st Canadian Minesweeping Flotilla pendant le Jour J.

Panneau WN 62 Panneau racontant le rôle du WN 62 dans la défense de cette zone de la plage, et les lourdes pertes subies par les Américains.

Plaques 2nd US Armored Division et 741st Tank Batallion 
Monument dédié à la 2nd US Armored Division « Hell on wheels », et au 741st Tank battalion qui ont débarqué sur Omaha le 6 juin 1944. Situation : dans le village VVF Belambra Club Omaha Beach, dans le haut sur la gauche

Stèle 1st US Infantry Division et stèle du 60e anniversaire 
Emblème en galets de la plage d’Omaha Beach , qui représente le chiffre 1 de la 1st US Infantry Division, la « Big Red One ». En face se trouve la stèle commémorative du 60e anniversaire de la bataille de Normandie.

Panneau « les galets » 

Panneau racontant le rôle de la barrière naturelle de galets sur la plage d’Omaha Beach, qui constitua également le seul abri des soldats américains face au feu allemand. 

Donc, l'absence de "vestiges" est compensée localement  par l'abondance de signalétiques de type  "plaques/stèles" qui  amplifie cet aspect mythique d'Omaha où, un peu partout, il s'est passé quelque chose !  ; certes il s'agit d' une volonté d'essayer d'expliciter  mais, aujourd'hui, à l'ère des QR codes et de la 4G  cela n'est pas très attractif et  manque singulièrement d'originalité. Il manque un réflexion d'ensemble, de réels projets, une harmonisation pour gérer le tourisme ce qui nécessiterait d'abord de s'unir:  à l'heure de la fusion des communes (Vierville-Saint Laurent-Colleville, 3 villages identiques sur une même plage, aux mêmes problématiques), celle d''Omaha" n'est toujours  pas en vue.



Bienvenue aux touristes !  les collectivités locales s'engouffrent dans cette manne providentielle que représente le tourisme de mémoire  sur un espace où l'économie traditionnelle, essentiellement basée sur l'agriculture et l'agro-alimentaire n'offre pas assez emplois.
Désormais, ce sont les "privés" qui ont l'initiative pour attirer et retenir les touristes avec leurs musées, leurs propositions de transport et guidages, leur offre en restauration et hôtellerie.



Compléments et sources