Des initiatives courageuses d'officiers exemplaires

La situation à Omaha le matin du 6 Juin est catastrophique, les pertes sont énormes, pourtant le soir,  la victoire l'a emporté sur la tragédie, il est évident que les allemands ne peuvent désormais  rejeter les GI's à la mer. Que s'est -il donc passé pour qu’un tel retournement de situation  se soit réalisé.
Il ne s"agit plus de remettre en avant l'effet surprise qui a permis à Omaha de ne pas voir  renforcées les troupes allemandes, ni d'afficher la puissance et supériorité  militaire américaine  même si l'objectif initial était de "lancer des troupes d'assaut jusqu'à ce que ça passe" (Général Gerow).

En effet la réussite n'est pas liée à la supériorité numérique, ni à l'entraînement intense puisque ces troupes étaient clouées sur le sable, incapables de réagir et d'avancer sous le feu ennemi, la plage est paralysée.  Les phases planifiées du débarquement ne se passent pas comme prévu, tous les plans sont inapplicables, en particulier engager le combat face aux entrées de vallées. La situation ne peut se débloquer que par des initiatives circonstancielles prises par des officiers qui donnent l'exemple pour inciter les GI's à réagir.

Exhortations d'officiers courageux et exemplaires
Vers 7H30, le LCVP 71 avec 26 hommes à bord dont 12 officiers y compris le général Cota (51 ans), Colonel Canham 116th, et aussi, Wyman, Taylor, Schneider et autres officiers débarquent avec beaucoup de chance sans encombre (heureusement !) sur Dog, entre Saint Laurent et Vierville). Ils ont apporté des radios tactiques pour communiquer facilement.
Sur la plage, ces courageux officiers se mêlent aux hommes : ils vont prendre l'initiative et donner l'exemple aux troupes inertes sur le sable, perdues au milieu des blessés et des morts, ne retrouvant pas leur unité, n'identifiant pas là où ils sont bloqués. Il faut trouver des solutions que personne n'avaient anticipées pour sortir du désastre et de la confusion : une seule option, galvaniser les troupes pour quitter la plage et attaquer l'escarpement, surtout, en dehors de l'entrée fortifiée (WN) des valleuses, pour ensuite les prendre  à revers.
Leurs exhortations sont restées célèbres :


Le général Cota, au début de la guerre, fait partie de l'état major de la 1re division d'infanterie, jusqu’en juin 19423. À la suite de l'opération Torch en Afrique du Nord, il rédige des rapports  pour une meilleure organisation des divisions d'assaut lors d'un débarquement, ces modifications seront utilisées lors du débarquement en Sicile. Ensuite, il est promu Brigadier général puis est muté en Angleterre pour préparer le débarquement en Normandie. Il est favorable à une attaque avant l'aube pour obtenir un effet de surprise.
Lors du débarquement en Normandie du 6 juin 1944, sur la plage d'Omaha, il représente le commandant de la 29e division d'infanterie. Il débarque à 7h30 sur Dog White (entre Saint Laurent et Vierville). Ses hommes sont bloqués derrière le talus  de galets  et exposés aux tirs allemands.Il prend l'initiative d'avancer pour galvaniser ses hommes et décide… que les rangers doivent montrer la voie et leur dit :
"Il faut sortir de cette foutue plage"
 "Ils nous assassinent ici, allons nous faire tuer à l’intérieur des terres"
Le Lieutenant Shea, aide de camp du général, a ainsi décrit Cota: "S'exposant lui-même au feu, le général Cota avança au delà du talus, encourageant et stimulant les hommes, supervisant personnellement la mise en place d'un fusil-mitrailleur BAR, et dirigeant son tir sur la falaise en face. Il fit placer une perche explosive Bangalore pour faire sauter le cordon de barbelés disposé derrière le talus et il fut l'un des premiers 3 hommes à le traverser."
Six obus de mortier sont tombés au voisinage, tuant 3 hommes et en blessant 2, Cota est resté indemne. "A la tête d'une colonne de troupes diverses, il traça un chemin jusqu'au pied de la falaise et lança les troupes sur cette falaise d'où elles pourraient tirer efficacement sur l'ennemi." 

Pour son héroïsme, il est décoré de la Distinguished Service Cross, du Distinguished Service Order remis par le maréchal Montgomery et la Silver Star.

Le Colonel Canham, cdt. le 116ème Régiment débarque au côté de Cota.  À peine la plage atteinte, Canham fut blessé au poignet. Refusant l'évacuation il poursuivit le combat, poussant ses hommes dans les terres.
Le soldat Félix Branham  présent  raconte: "Le colonel Canham qui avait un fusil-mitrailleur BAR et un pistolet Colt 11mm, nous dirigeait. Il tirait au BAR qui lui fut arraché des mains, il continua avec le Colt. Il n'avait pas peur."
Peu après, Canham fut alors promu brigadier-général et nommé assistant du commandant de la 8e division d'infanterie.
-Le Colonel Taylor du 16th et son état major débarque, 3 km à l'O, dans le secteur est, niveau E3 (Colleville). Il arrive sur la plage vers 8 heures alors que le  régiment du 16e Régiment d'infanterie a subi de nombreuses pertes lors de l'assaut initial. Le long de la digue, il trouve  ses hommes épuisés,  sous le choc, menacés par les tirs d'obus. Il va motiver, ré organiser ses soldats pour mener l'attaque à l'intérieur des terres avec sa célèbre citation pour exhorte ses hommes : 
"Foutez le camp de la plage, si vous restez, vous êtes morts ou vous allez bientôt crever"
"Il y a 2 sortes d'individus qui restent sur la plage, les morts et ceux qui vont mourir : foutons le camp d'ici en vitesse " 
"Si nous devons être tués, autant tuer quelques allemands avant ! »
Taylor est parfois confondu avec le général Norman Cota, qui était également sur la plage ce jour-là, mais dans un secteur différent avec une unité différente, la 29e division d'infanterie américaine . Les deux officiers ont rallié les troupes sous le feu. Dans le film "le jour le"plus long", c 'est le  le général Cota (interprété par Robert Mitchum ) qui prononce la réplique de Taylor !


-Le Général Wyman arrive sur Easy Red (entre Saint Laurent et Colleville)  arrosé d'obus : il voit des hommes inertes, abasourdis et une centaine de matériel bloqué (chars, bull, dukw, halftrack..) et lance un message "Trop de véhicules sur la plage, envoyez des troupes". Du coup,certains LCVP vont tourner en rond en attente d'ordres.


Ainsi la situation est reprise en mains par des officiers courageux qui, par chance, se trouvent au bon endroit au bon moment ; ils  réalisent l'urgence de la situation, on ne peut laisser indéfiniment  les Gi's bloqués derrière le monticule  de galets qui longe la plage et la nécessité de réagir pour éviter le désastre.  Là, l'héroïsme de ces officiers est réel : "Les actes du Général Cotta pouvaient sembler stupides à ce moment là, mais c'était purement et simplement de l'héroïsme, l'abnégation d'un soldat de carrière et de d'un excellent officier.(.) Je me souviens de son aide de camp qui frisait la crise de nerfs pendant que son général essayait à tout  prix de se faire tuer" ( Major R Sullivan). En montrant l'exemple, ils ont galvanisé leurs hommes et ont permis de sortir de la plage et de faire des percées qui seront déterminantes. Le courage des Gi's survivants de l'enfer est indéniable, ils se sont regroupés sans se préoccuper de leur compagnie, ont avancé  en utilisant leurs torpilles  bangalore sous les barbelés,  ont grimpé la falaise au milieu des fusillades et ont attaqué,  à la grenade ou au mortier, ces nids de mitrailleuses si meurtriers.



Enfin, de l'efficacité du bombardement naval (après les ratés)

Après les échecs des premiers tirs entre 6H et 6H30, 11 destroyers s'approchent au plus près de la plage et vers 10 heures commencent à pilonner en ciblant avec succès les WN.
Si les  destructions sont importantes, en particulier sur les Wn de Vierville et du Ruquet,  il faudra des interventions au sol complémentaires pour en finir.

C'est la cas  pour  la Sortie E1 du Ruquet. Les progressions vers le plateau permettent d'attaquer les défenses allemandes. Le déblocage de la situation au Ruquet  permettra d'ouvrir le premier accès et d'assurer une sortie au matériel et aux hommes stationnés sur une plage embouteillée.
Spalding, de la Cie E, sur le plateau, progresse vers  la sortie E1 du Ruquet et attaque le WN64  puis fait demi tour avec des  prisonniers car la marine commence  à tirer vers ce WN. De l'autre côté de la sortie E1,  le Wn 65 le Wn 65 est attaqué de partout,  21 prisonniers sont faits, au même moment le Destroyer USS Frankford, à 10h36, tire des salves à 1100m et touche la batterie, puis  les chars du 741St, Cie A détruisent mitrailleuses et visent le canon de 88. mais il faudra, pour en finir, que 
le halfTrack 37 s'approche et tire 35 coups de 37mm pour finalement et définitivement détruire le canon de 50 du WN 65.
Ainsi vers 11h30, le WN 65 est pris et la sortie E1 est  désormais libre, c'est un énorme avantage pour les Gi's qui ont enfin une voie de sortie. Aussitôt les sapeurs de la 1°DI s'activent avec les "bull" pour combler le fossé, faire du déminage, déblayer la valleuse pour créer une route à la place du petit et étroit chemin.
Vers 15H la route est ouverte, ce sera l'unique voie de sortie  jusqu"au  lendemain ! de très nombreux chars et matériel sortent par l'accès E1 et s'installent sur le plateau. Tous les nombreux renforts  venant des LCI de l'après midi prendront cette unique issue, en milieu d'après midi : 5000 Gi's des 1st et 29th ont pénétré sur les hauteurs
Vers 12H  des obus de marine frappent l'entrée de la valleuse de Vierville (destroyers McCook, Thompson et cuirassé Texas avec ses obus de 350mm)  ce qui permet la capture de 30 allemands  par le génie sur la plage
Dans l'après midi, à Saint Laurent,l' Eglise sera détruite en partie (présence de snipers) par des tirs du destroyer USS Thompson, demandés par le Cap McGrath " il demanda des tirs à la marine et bien sûr,  le premier obus démolit le clocher"
A 19H, à Colleville,  la marine détruit l' église  par 73 coups de canon puis à nouveau vers 19H30 tire 60 obus ! Mais c'est une catastrophe  qui provoque la mort de nombreux Gi's qui étaient présents dans l'église...
Palmer, Capitaine  de Frégate  :"18H54. Avons reçu l'ordre de tirer 2 minutes sur le clocher de Colleville, distance 6650 m. Mission accomplie. Cessé les tirs à 18H57, église salement touchée. 43 coups tirés. A 19H35, reçu l'ordre de reprendre les tirs sur le même objectif. Salves lancées à 19H37 même cible, distance 7200 m, plusieurs coups au but, église et environs. 60 obus tirés. L'église aurait étét utilisée comme poste d'observation pour régler tirs de mortiers allemands"
Major W Washington. 16 Th 1°DI :" Je pensais qu'il était inconcevable qu'on ait capturé un clocher à Colleville qui nous offrait une vue excellente sur les positions de l'ennemi et qu'il soit démoli par la Navy! ...En conséquence la Navy n'a pas d'idée précise de la situation à terre."
Cap Dawson,16 Th 1°DI :  " Vers 19H  on a été foudroyés par un barrage d'artillerie de marine. Le village a été complètement écrabouillé et on a subi nos plus grosses pertes de la journée. J'étais furieux, hors de moi"



Bradley
Bradley est anxieux le matin du 6 juin, mais ne perd pas son calme ."A mesure que la matinée avançait, mes alarmes se faisaient de plus en plus vives au reçu des rapports inquiétants et fragmentaires que nous récoltions par radio. De ces messages, nous ne pouvions tirer qu'un incohérent assemblage de naufrages, d'échouements et de feu ennemi très dur. Lorsque le VI° corps signala que la situation était critique, j'envisageai avec réticence la dérivation sur Utah et les plages anglaises des forces de renfort destinées à Omaha"

Devant ce marasme, il décide donc de ralentir et même interrompre tous les mouvements de matériel sur la plage complètement engorgée. Le chef des forces armées américaines est alors à deux doigts de renoncer, et pense même interrompre le débarquement sur Omaha, quitte à ré-embarquer les troupes américaines et les rediriger vers Utah Beach et les plages britanniques mais il s'aperçoit vite que les embarcations ne sont pas suffisantes pour permettre une telle opération. Cette solution désastreuse sur le plan humain nécessitait le sacrifice des hommes présents sur la plage : impensable. A 9h20 il ordonne d'engager à nouveau l'artillerie de la marine pour améliorer la situation ce qui permettra cette fois d'apporter quelques dégâts aux forces allemandes
Comme il l'écrira plus tard dans ses Mémoires : "Le sort d'«Overlord», - une des batailles emblématiques du XXe siècle - en aurait été chamboulé."

En maintenant  le débarquement sur Omaha, Bradley a évité le désastre car il pris la meilleure décision possible au meilleur moment. Son sang froid a permis d'éviter des pertes qui auraient été très lourdes  en cas de ré-embarquement puisque beaucoup de Gi's auraient péri sous le feu allemand. Ainsi le soir du 6 juin, le débarquement est réussi, l'objectif de mettre  à terre un maximum de troupes est atteint, en fait la fameux avantage numérique américain est ici exploité.

Les américains ont eu de bons réflexes face à une catastrophe annoncée résultant d'un débarquement qui ne s'est pas déroulé comme prévu. La volonté de survivre et d'avancer  a été salvateur, malgré un coût humain élevé, le plan global a fonctionné même s'il a fallu le modifier sur le terrain. par les initiatives d'officiers courageux et l'exploit de Gi's qui reprennent le dessus, motivés pour avancer, coûte que coûte.