Littérature : romans, polars...

 Les ouvrages rencontrés sont variés et difficilement classables car la frontière en roman, roman historique, polar historique, témoignage est tenue. Tous nécessitent un important travail documentaire pour décrire le cadre, la vie des héros de romans sans que cela semble plaqué et artificiel. En fait souvent l'intrigue, policière ou non, n'est qu'un prétexte pour raconter et faire de l'histoire  ;  elle sert  à éclairer des aspects méconnus du passé, tel le traumatisme qu'ont connu les GI's lors du débarquement.
Cette littérature rencontre un succès certain, voire un engouement,  d'ailleurs toutes les époques  ont  leurs polars et romans  historiques. L'auteur se fait  historien qui tente de retrouver les vestiges du passé au travers d'une histoire  vécue ou imaginée et les transmet  à son lecteur. Cela donne  l'impression au lecteur qu'il se détend tout en prenant un cours d'Histoire, il le réconcilie  à la fois avec la littérature et l'histoire, ce qui  peut aussi renouveler son goût pour l'histoire surtout s'il est  récalcitrant dans la lecture d'ouvrages historiques "classiques, ainsi  au travers d'une lecture captivante, il s'imprègne, en douceur,  du passé.

Omaha avec son cadre géographique, son passé tragique, ses "héros" se prête à la fiction romanesque, avec des thématiques variées qui vont du simple récit historique (le jour le plus long) au véritable roman traditionnel (romans des frères Giesbert)  jusqu'à la pièce de théâtre, mais curieusement, ce sont les "polars" le plus nombreux avec des auteurs plus ou moins renommés.
Dans le "roman" inévitablement la tragédie d'Omaha est systématiquement évoquée, souvent sans complaisance. Les autres ingrédients sont "classiques", ils tournent toujours autour de la famille d'un GI,  de changement d'identité, de recherches historiques dans les archives pour en finir  lors de retrouvailles qui, bien souvent, se situent  dans le cadre du cimetière. Les traumatismes liés  à l'horreur  vécue lors  du débarquement sont exploités et demeurent le cœur de ces ouvrages.

Ces lectures ont surtout l'intérêt de démythifier l'histoire en nous présentant, non pas des héros, mais des hommes avec toutes leurs faiblesses et leur souffrances. Un autre  éclairage nécessaire et complémentaire à la lecture des ouvrages des historiens  qui ne sont donc pas présentés ici. (voir la bibliographie)


  • L'histoire racontée...

"Le jour le plus long" de Cornelius Ryan .1959
Avant le film, ce titre est d'abord  un livre d'histoire...En fait, le récit de Ryan n’est pas de nature historique  : d'ailleurs il n'est pas historien mais journaliste, ne consulte pas les  archives et se contente de  donner la parole aux différents acteurs. Il met en scène une réalité qui s’appuie sur une multiplicité de points de vue : il aurait réalisé 9 ans d'enquête auprès de 49 correspondants de guerre et de milliers de personnes contactées par petite annonce !. C'est une sorte de récit journalistique, compilation de séquences, impartial de ce ''jour le plus long'', vécu heure par heure, au coeur des combats, par les témoins de l'événement : britanniques, américains, français, allemand,  sur les différents théâtres d'opérations et centres de commandement du débarquement allié, en Normandie, du 6 juin 1944.. De là un mélange qui peut parfois sembler savant,  très pointu mais aussi très anecdotique, une curieuse association qui en fait toute son originalité.
 Le résultat est un habile assemblage, mais toujours facile à lire,  qui s’appuie sur des faits authentiques, ce n'est pas un livre d'histoire traditionnel,  car l'auteur  reconstruit et structure   à sa manière les faits historiques.
Ryan devient exigeant après son énorme succès de librairie. Zanuk, le cinéaste,  qui a acheté les droits du roman veut s’assurer la collaboration de Cornelius Ryan et lui propose un contrat mirifique. Très vite Zanuck comprend qu’il ne pourra pas travailler avec Ryan qui ne supporte pas que l’on trahisse son œuvre. Le producteur demande donc à ses scénaristes de s’attacher à raconter  uniquement les événements les plus marquants avec le résultat et les conséquences que l'on connaît.
En ce qui concerne les évènements d'Omaha, l'on notera simplement que l'auteur insiste beaucoup sur le "désastre" en utilisant un vocabulaire redondant d'expressions : "un désastre se produisit" " des cercueils d'acier" "horrifiés"  "déluge d'acier"  "la catastrophe" "crépitement des balles" "tous les autres étaient morts" "feu croisé de mitrailleuses" "des hommes s'abattaient" "tir aux pigeons"" les malheurs et désastres s'accumulèrent" "écœurant" "catastrophe" "ils s'abritaient derrière les cadavres" "léthargie" "prostration" "condamnation à mort" "tués sur le coup" "carnage" "marche sanglante".
Rappelons que dans le film, les quatre séquences consacrées à   Omaha tiennent  la mort à distance, des silhouettes s’effondrent dans le sable en silence, les blessés ne gémissent pas, le sang ne coule pas, la douleur est absente de l’image et du son. Une vision bien aseptisée.


  • Romans
"L'américain" de FO Giesbert Ed Gallimard. 172 pages 
Le père de l'écrivain a débarqué à Omaha, il épousera une normande... l'auteur évoque ses souvenirs d'enfance marqués par la violence du père consécutive au traumatisme du débarquement décrit sans complaisance avec un réalisme terrible.
Ainsi le père de Giesbert  ne s'est jamais remis d'avoir débarqué un 6 juin 1944 car il est resté debout alors que tant de ces camarades sont tombés. Sa souffrance morale et existentielle, son désarroi   se traduisent  par des colères et surtout par sa violence, il  va le faire payer chèrement à femme et enfants dont Franz Olivier, aîné des cinq enfants, qui ne lui pardonnera jamais, seulement après la mort de l'Américain.
Les pages consacrées au récit du débarquement  à Omaha le 6 juin, tel que "l'Américain" l'a raconté à ses enfants sont éprouvantes  par leur réalisme.
" La vérité de l'héroïsme, c'est d'abord son odeur. Le  6 juin 1944 ... papa sentait le vomi. Il en avait partout... Il avait passé des heures sur son bateau à rendre tripes et boyaux dans son casque"  "Il a marché vers le rivage, sous le  feu de l'ennemi, dans une eau de sang" "On se chiait et on se pissait dessus"  "le malheureux recherchait frénétiquement dans le sable, sur trois pattes, le bras qui lui manquait" "il vit un camarade qui se tenait les boyaux à pleine mains, de peur  de les perdre" "la plage était pleine de remords qui ne devaient plus cesser de tourmenter mon père"



"Omaha", de  Norman Ginzberg aux éditions Héloïse d’Ormesson. 19,00€. Juin 2014
Jean-Christophe Giesbert, alias Norman Ginzberg, revient, comme son frère FOG, sur le débarquement américain en Normandie au travers  de l'expérience de son histoire familiale.
Deux frères, Walton et Karl, enfants d’Allemands émigrés aux Etats-Unis, vont se retrouver en 1944 : tout les oppose,  l’aîné, Karl, l’intellectuel après un séjour en Allemagne adhère aux jeunesses hitlériennes alors que le plus jeune ,Walton, qui préfère le base-ball et la compagnie des filles s'engage comme Gi. Séparés depuis 1938, le 6 juin 1944, le destin va faire se croiser leurs routes.
L'auteur fait le récit des violents  combats vu du côté américain et du côté allemand, avec une description passionnante mais crue de la guerre, relativisée par une réflexion sur le bien et le mal. Une fiction passionnante  et trépidantes qui arrive  à ne pas tomber dans le manichéisme malgré quelques clichés..




"Les étoiles d'Omaha" de Patrick Bousquet. Ed Serpenoise. 84 pages. 2004 (pour les 8/12 ans)
Une courte fiction qui permet d'évoquer les événements d'Omaha et de relier présent et passé au travers du destin  de quelques personnages, le G.i Wiliam Bratt, un allemand, une famille normande.
A l'origine destiné aux plus jeunes, un récit de qualité à leur conseiller malgré quelques imprécisions historiques et géographiques.




"Omaha blues et autres nouvelles" de P Amand. Ed du Caiman 2014
Quatorze nouvelles très décevantes (style, forme, contenu) dont quatre concernent Omaha. Beaucoup de clichés, trop d'erreurs. Ainsi le 6 juin, les soldats partent seuls dans la campagne sans croiser d'ennemi et les fermes, derrière Omaha, étaient  remplies de résistants qui accueillaient les GI 's. Lors de l'inhumation dans le cimetière, on pratique "un trafic morbide" sans état d'âme...On bâcle des exhumations en " bourrant les cercueils ... le tour est joué". Les  vétérans doivent apprécier.
Ainsi l'auteur, sans scrupules, additionne des faits exceptionnels et rarissimes  qui ont peut-être existé, mais ailleurs, et par facilité et simplisme les localisent sur Omaha.






"Omaha Beach   Un oratorio" Catherine Mavrikakis Héliotrope, Montréal, 2008, 128 pages
Étonnamment, il s' agit d'une courte pièce de théâtre(canadienne) qui revient sur les ombres du passé d'une famille en deuil au travers d''une ultime conversation à la rencontre de leurs morts au milieu des croix du cimetière.
Deux jeunes jumeaux tombés lors du débarquement, avant même d’avoir foulé le sable sont enterrés au cimetière et, soixante ans après, la famille, sœur des soldats morts et sa fille, vieilles toutes deux, tentent de se ré approprier leur existence, de guérir les plaies.




  • Polars
Ils sont nombreux et présentent souvent des mêmes thématiques: description du débarquement à Omaha, désertion, GI caché, changement d'identité, supercherie, dénonciation,   retour 20 ou 30 ans après de vétérans, avec en fond de l'avidité et cupidité.. Souvent peu crédibles, ces romans passionnent les uns et sont honnis des autres, n'étant pas toujours bien écrits mais se lisant facilement, comportant trop de flash backs et parfois des imprécisions historiques






"La lune d’Omaha" de Jean AMILA (Folio noir) dixième roman policier de l'auteur paru dans la collection Série noire  en 1964. Roman noir qui se déroule à Omaha Beach vingt ans après le Débarquement: un déserteur devient le "fils" d'un paysan  contre monnaie... mais vingt ans après, la vérité est révélée. Le dénouement se situe dans le cadre du cimetière de Colleville.




"Omaha crimes", le thriller du débarquement de M Bussi. 320 p publié en 2007 et  réédité en 2016 avec le tire "Gravé dans le sable"
Un thriller haletant  avec une intrigue complexe qui emmène d'Omaha Beach aux USA avec beaucoup de meurtres, de rebondissements, d'aller retour  historiques et transocéaniques ! Un excellent polar d'un prof de géographie, qui comporte  un seul (petit) défaut, l'auteur a transformé les noms de lieux autour d'Omaha ("Pointe Guillaume" "Château le Diable" jouxtent  Colleville, Deux-Jumeaux et Caen...) et c'est vraiment gênant pour celui qui connaît la localisationdes  sites évoqués...Depuis ce premier roman, M Bussi (professeur de géographie) met un point d'honneur  à soigner environnement géographique avec désormais une précision.. diabolique. On regrette que l'auteur n'ait pas rectifié les quelques noms de lieux pour la réédition de 2016 pour ce polar passionnant.


  • Les témoignages de Gi's
Ces témoignages publiés tardivement, car le traumatisme de la violence fait taire,  par quelques  Gi's sont des ouvrages  à part, il s'agit  d'une littérature spécifique dite « littérature de témoignage »
Le témoignage est un  texte qui a  un statut particulier le Gi  survivant pense souvent accomplir une mission, au nom des morts et auprès des vivants, en narrant son expérience.
En tant que dépositaire, devant l'Histoire, de son histoire et de celle de ses amis morts au combat, le témoin relate, en un récit sobre et précis, sans pathos ni suspens, sans apprêts, sans excès, sans faire de "littérature",  le chemin qu'il a parcouru, les souffrances qu'il a vues  et endurées afin que les générations à venir, mieux instruites, en soient épargnées.


-"Ils étaient à Omaha Beach", compilation de témoignages recueillis par L Lefebre et oubliés en 2003

"Témoin sur Omaha Beach : Harold Baumgarten". Âgé de 19 ans, il débarque  à Omaha le 6 juin à 6H20 et se demande "Quand vais-je mourir ?"


-"Comment j'ai survécu en première vague lors de trois débarquements : Afrique du Nord, Sicile, Omaha"  par Harley Reynolds. Un récit incroyable comme l'indique le titre."La façon dont ces choses peuvent être si incorrectement répertoriées dans les archives m'énerve et me contrarie énormément" Il faut donc lire sa traversée de la plage !




-"Bernard Dargols, un GI français à Omaha Beach" par C Jouvet Ed Ouest france  2012

 Nous avions rencontré Bernard à Omaha en  2004, étonné de découvrir un (vrai) Gi franco américain au parcours exceptionnel. Jamais il n'avait encore "mis sur le papier " son histoire même s'il allait déjà d'écoles en lycées pour témoigner. Il nous remit en octobre  2004 son premier témoignage publié sur le web 
ensuite sa petite fille  publia son histoire extraordinaire qui fut souvent reprise par les médias.
[voir notre dossier consacré à  Bernard Dargols]





  • Les autres ouvrages sont très peu connus :
"Les Revenants d’Omaha" de Jean-Charles STASI (Cheminements coll. Chemins Noirs) Roman policier contemporain et historique.Juin 1944, à Omaha Beach, les troupes du débarquement vont connaître des pertes historiques. Juin 1984. Quatre anciens mercenaires du Congo et du Biafra abordent le rivage d’Omaha. Ils ne viennent pas pour la gloire.

"Les gardiens d'Omaha" Michel Boixière  Ed de l'Orée  375 pages 2014
Le héros, Theodor Baumann, est un jeune SS, enrôlé malgré lui dans les Jeunesses hitlériennes. Après le Débarquement, on le suit dans les troupes allemandes qui refluent en débandade, semant terreur et assassinats sur leur passage, poursuivies par le général Patton et harcelées par la Résistance.
Au milieu du désastre, il commence à douter. Il n'a qu'une seule envie : rentrer à la maison. Il survivra. Au crépuscule de sa vie, rongé par la maladie, il décidera d'entreprendre un dernier voyage vers Omaha, où les gardiens veillent toujours. Et si le vieil Allemand aperçu aux Rosaires avait entrepris le même voyage et vécu la même histoire ?
On embarque dans le roman dès le début. L'écriture est fluide, la qualité du style indéniable. Le contexte de guerre est réaliste, les personnages sont crédibles et bien campés. Semi-biographique et semi-inventée, cette histoire valait la peine d'être racontée. « J'ai voulu en faire à la fois une œuvre instructive, et un hommage aux anciens soldats », résume Michel Boixière.

"La fille d’Omaha"A.Liard-D.Azencot :  (Toucan Noir, 2018)
Le bel ordonnancement du cimetière américain d’Omaha Beach vole en éclat lors de l’exhumation du Sergent Stone à des fins de recherche ADN. Dans le cercueil du héros mort lors du débarquement du 6 juin 1944, deux squelettes sont retrouvés dans le cercueil.
Une jeune procureur française est désignée pour mener l’enquête en compagnie d’un attorney militaire U.S, qui entend bien profiter de son séjour en Normandie pour éclaircir sa propre histoire familiale.
Le duo conflictuel - Andrew, l’Afro-Américain débonnaire et Marie-Line, la jeune Française ambitieuse - va gratter les non-dits du D Day avant de  découvrir les pêches miraculeuses de certains chalutiers, et la disparition dans l’indifférence générale de jeunes femmes de la région.

"J'avais 18 ans à Omaha Beach" de Joëlle Quentin-Doucet 2003
Roman mêlant histoire et paranormal

"Disparu à Omaha Beach" de Dominique  Grouille  2004 Le manuscrit
Roman historique  qui relate l'enquête d'un jeune américain sur la disparition de son père  à Omaha le  6 Juin. Bien sûr, un mystère apparaîtra lors de son séjour en Normandie.

"Une plage en enfer Omaha Beach" de Patrick Bousquet-Schneeweis et Michel Girard, OREP Editions 2014 
Je m'appelle William Bishop. J'appartiens à la 1re Division d'Infanterie américaine, la fameuse Big Red One. Nous sommes le 6 juin 1944 et, dans quelques minutes, je vais débarquer sur la plage d'Omaha, dans le secteur de Easy Red. Une plage qui passera à la postérité sous le nom d'Omaha la sanglante.
Voici mon histoire...