Bedford Boys


  • Les Bedford Boys ?

Ce qu''on lit le plus souvent se résume ainsi :  
A Omaha, le 6 juin à 6H36, 30 soldats originaires de Bedford débarquent avec la compagnie A du 116 régiment : 19 meurent et 5 sont blessés. Au total, à la fin de la guerre, Bedford a perdu 21 hommes dont 10 seront rapatriés. Désormais un mémorial a été construit (2001) pour honorer les "Bedford Boys".
Onze soldats originaires de la petite ville de Bedford (3200h) sont au cimetière de Colleville (enterrés ou inscrits) dont 2 frères Bedford et Raymond Hoback (Bedford G10 tombe 28, Raymond non retrouvé, sauf sa bible).

Le site de l'association "Omaha Beach Bedford "écrit :

"Le 6 juin 1944, lors des premières vagues d'assaut à Omaha Beach, Normandie, le 116ème Régiment d'Infanterie de la 29ème Division prenait pied sur la plage de Vierville. A la fin de la journée, 21 hommes, tous de Bedford en Virginie U.S.A., avaient été tués au combat. C'est pour maintenir le souvenir de cette très lourde perte que le Maire de Bedford proposa au Maire de Vierville (Calvados), la signature d'une charte de jumelage avec Omaha Beach.
De cette décision naquit, à l'automne 1998, l'Association OMAHA BEACH / BEDFORD, qui a pour objet de représenter et de faire vivre ce jumelage représentant 12 communes groupées autour de Vierville, Saint Laurent et Colleville, la plage commune à ces trois localités constituant le lieu central du site d'Omaha Beach."

Ce que conteste l'historien A Beevor dans son ouvrage "DDay et la bataille de Normandie":
"Un mythe est né selon lequel la plupart des morts de la Cie A étaient originaires de la ville de Bedford en Virginie. En fait, seuls 6 venaient de cette ville, et le 6 juin, la Cie ne comptait dans ses rangs que 24 hommes de tout le comté de Bedford. (environ 100 hommes sur 215 de la Cie A ont été tués"
Toutefois l'historien n'argumente pas pour démontrer que ces chiffres  soient "ordinaires" : existe-t-il aux USA d'autres villes/comtés présentant des données similaires dans leur proportion ? jusqu' à présent, non.


  • L'analyse de J Balkoski, historien américain, spécialiste d'Omaha.

L'objectif de la Cie A du 116th
Elle  devait capturer le plus rapidement possible l'entrée de la valleuse de Vierville qui était la meilleure issue pour quitter la plage en disposant  d'un vraie  route courte (450m) avant d'accéder au village et  à l'axe de la  D 514. L'entrée de la valleuse est parfaitement défendu par 3 WN situés en hauteur,  un mur de béton, en prolongation d'un blockhaus et d'une autre casemate  situés au niveau de la route, percés d'embrasure orientés en enfilade sur la plage, le tut entouré de barbelés, mines et d'un petit fossé antichar.


La Compagnie A
Elle est composée  d'éléments de la garde nationale de Virginie recrutés essentiellement dans  la ville de Bedford. En 1941, 98 réservistes sont mobilisés mais en juin 1944 on a intégré dans  la compagnie de 210 soldats un groupe de 35 gardes nationaux originaires de Bedford, auquel il faut ajouter la présence de  3 officiers  originaires de Bedford : Capitaine T Fellers, Lieutenant R Nance et le sergent/adjudant  J Wilkes

Le 6 juin 1944, heure H
Six LCA blindés doivent déposer  la Cie A de chaque côté de l'entrée  de la valleuse de Vierville. Un LCA coule à 900 m du sable suite  à une voie d'eau, mais les hommes délestés de leur équipement et munis de leur ceinture de sauvetage  furent tous repêchés sauf le radio puis ramenés sur le navire "Empire Javelin". 
"Je n'ai entendu aucun bruit, ni ressenti aucun choc. Soudain le bateau  a plongé... j'ai déclenché les cartouches de ma ceinture de sauvetage"

Face  à la valleuse, les hommes sortent un à un des 5 LCA encouragés par des "Good luck !" et se retrouvent avec de l'eau jusqu"à la taille. Curieusement tout est relativement calme. Au sortir de l'eau, ils voient parfaitement la valleuse et les bunkers intacts, ils s'aplatissent sur le sable. En un instant, ce fut l'enfer : des rafales de mitrailleuses s'abattaient (1200 balles/min) et ce fut un massacre. Sur 155 soldats débarqués, une centaine tombent et la plupart des autres sont blessés. 19 des Gi's tués sont des  gars de Bedford dont 2 frères. Les survivants reculent dans l'eau et se cachent derrière les chars et autres ferrailles.
Il y eut peu de survivants face  à ces  2 ou 3 mitrailleuses situées à 200 à 300 m.


  • A Bedford
Pour cette petite ville de  3000 habitants, c'était l'hécatombe. En proportion de sa population, la ville venait de subir les pertes les plus lourdes du D-Day au niveau national. Il faudra un mois pour que ces terrifiantes nouvelles parviennent aux habitants, grâce aux télex d'Elizabeth Teass, la télégraphiste. Selon le livre d'Alex Kershaw, qui a raconté l'aventure des garçons de Bedford, celle-ci fut frappée de stupeur en voyant les avis de décès s'imprimer en rafales, à la pharmacie Green, où elle travaillait.

Raymond Hoback était un soldat sérieux qui avait à peine 24 ans, lors du D-Day, il s'était engagé dans la Garde nationale à 18 ans, pour «faire comme son grand frère, Bedford». Ce télégramme arrive :

«Nous avons le profond regret de vous annoncer que votre fils Raymond Hoback a été porté disparu le 6 juin»

La veille, un autre télégramme avait apporté la douloureuse nouvelle de la mort de Bedford, l'aîné des frères, 30 ans. En perdant ses deux fils sur les plages de Normandie, la famille Hoback payait un terrible tribut. La sœur indique : «Quand le shérif a frappé à la porte, ma mère s'est effondrée et tous les paroissiens sont venus nous réconforter et prier. Elle a pleuré pendant des semaines, et nous avec, tandis que mon père allait à l'étable cacher ses larmes.»



Détail de la photo de la compagnie A, prise en juillet 1941, à Fort Meade, dans le Maryland, cinq mois avant l'entrée en guerre des Etats-Unis. Parmi ces hommes,16 des 19 "Bedford Boys" (en gris), tombés le 6 juin.

Le Memorial

En dehors d'une plaque portant le nom des morts, installée en 1995, Bedford avait "enterré" le D-Day, comme le reste des États-Unis. Les vétérans en parlaient rarement : Il y a des souvenirs que l'on préfère enfouir.

John Robert Slaughter, un jeune sergent qui avait accosté à Omaha Beach, avec la compagnie C, en même temps que les boys de Bedford, et ne pouvait accepter l'idée qu'aucun monument n'honore le gigantesque sacrifice de ses compagnons d'armes. Pendant des années, il fut seul à poursuivre son idée, alors que l'État et la société restaient sceptiques. Il faudra attendre le cinquantenaire du Débarquement en 1994, et une visite des plages par le président Bill Clinton en compagnie de Slaughter, pour que l'idée d'un Mémorial national, situé à Bedford, prenne racine. Le Congrès fut saisi et finit par donner une autorisation, sans accorder de financement. Grâce à des fonds privés, et à Slaughter, le Mémorial finirait par voir le jour et être inauguré par George W. Bush en 2001.





Ce mémorial est grandiose. Une gigantesque arche noire de granit symbolisant la Victoire s'y dresse. Derrière elle, une vaste esplanade de pierres gris pâle évoque les plages du Débarquement. Elle se prolonge par un bassin d'où jaillissent des jets d'eau bruyants, qui imitent le bruit de mitraillettes. Au milieu de l'eau, des soldats de bronze progressent, le visage crispé par l'effort. L'un d'eux, «qui incarne le sacrifice ultime des soldats», explique le guide, gît à terre, terrassé… une bible à ses côtés. Rappelant le destin de Raymond Hoback, porté disparu et probablement emporté au large. D'autres soldats de bronze sont en train de grimper le mur, qui mène à l'arche de la Victoire finale.

Conclusion
A Beevor n'aime pas les mythes. Aussi sa source  décompte minutieusement  l'origine exacte de ces morts : de la ville de Bedford, elle même (6 morts)  et ignore les 24 morts originaires du  comté de Bedford. 
J Balkoski ne détaille pas et évoque même un total de 38 soldats (avec les officiers) originaires de Bedford. Chacun s'accorde sur le chiffre de 19 morts originaires de Bedford, le soir du 6 Juin.
Dommage et regrettable de polémiquer de cette manière pour savoir si le nombre de victimes est imputable uniquement à la ville de Bedford ou 
au comté du même nom  (soit 2000 km²,  le département du Calvados mesure 5500km²). Faudra-t-il géolocaliser l'origine des morts de Bedford ! 

La source de Beevor :


Compléments
Le site du D Day Memorial de Bedford et la galerie de photos
Paris Match
Le Figaro

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