La résistance face au débarquement : quel impact ?

Avant, pendant et après le débarquement, le rôle de la résistance (y compris normande) est controversé. Jugé à l'époque de "non négligeable" par le chef des forces alliées en Europe, il est de nos jours relativisé par les historiens qui en limitent l'importance, surtout en ce qui concerne les actions de combat.

La résistance a bien accompli les tâches qu'elles pouvaient faire
Il faut rappeler que la résistance touche une minorité de français : 30.000 en 1942 ; avec l'arrivée du STO, cela augmente avec  100.000 avant le débarquement et 400.000 FFI durant l'été 1944, soit 1% de la population et 2% des adultes français (6% en Yougoslavie et 5% en Pologne). Toutefois elle n'aurait pu exister sans l'appui et le soutien de français anonymes solidaires.

Son rôle avant le débarquement est de fournir des renseignements sur le mur de l'atlantique et les positions de défenses allemandes, éléments qui complètent  les trois millions de clichés aériens opérés par les alliés qui demeurent la source essentielle de renseignement.

Pour le débarquement des "plans" d'action avaient été établis, fin 1943, à Alger :
-Plan violet : neutraliser les communications téléphoniques
-Plan vert : paralyser ou perturber  le réseau ferroviaire
-Plan bleu : couper l'électricité
-Plan bibemdum: détruire les nœuds routiers
Sans que cela soit exprimé clairement, les alliés espéraient que les forces de la résistance  freinent  la marche des renforts allemands vers la Normandie,  empêchant ainsi leur concentration et réduisant fortement leurs capacités opérationnelles. De même étaient souhaitées, par Eisenhower, des actions de guérilla dans toute la France afin de perturber davantage les allemands.
Le déclenchement des opérations a été annoncé sur la BBC par différents messages, tels que : "les carottes sont cuites", "le chat sort et chasse", ou encore la deuxième partie de la première strophe du poème de Verlaine : "Blessent mon cœur d’une langueur monotone". La première partie, "Les sanglots longs des violons", avait quant à elle été diffusée dés le 1er juin pour inviter les résistants à se tenir prêts.

Donc, à la suite des messages de la BBC, la résistance entra en action, en on estime à plus de 2000 les actes de sabotage correspondant aux 4 plans, souvent avec succès comme pour les sabotages des voies ferrées qui sont paralysées autour de la Normandie en Juin (mais... surtout grâce aux bombardements aériens). Le télécommunications sont coupées : presque plus de lignes dans le triangle Amiens-Rouen, Caen, Le Mans. On estime que les actions de résistance ont  obtenu  un retard minimum  d'au moins 48H. Par contre,  le résultat des insurrections sont un échec, activées de manière trop optimiste cette  "guérilla" provoque partout de sanglantes représailles (Tulle, Vercors, Bretagne...).

Par la suite, la résistance joua un rôle apprécié des alliés  pour les guider comme "éclaireurs"  dans leur avancée  en Normandie et en Bretagne et pour la prise de villes. Cette coopération établit un réel climat de confiance qui se concrétisa par des parachutages de plus en plus nombreux d'armes et de matériel, de la part des américains,  à un moment où  beaucoup de français se décidaient à la rallier... Ainsi elle dépassa son rôle de destruction de communications pour s'orienter de plus en plus  pour combattre (comme la résistance avait pu le faire en Afrique du Nord). Néanmoins les alliés gardaient la tête froide et et ne comptaient pas trop sur la résistance  pour le succès de leurs opérations,  qui ne représentait à leurs yeux, qu"un appoint".

L'apport de la  résistance eut une conséquence non prévue... sur le plan politique, elle contribua  à installer les autorités gaullistes qui surent bien montrer par la suite aux français et au monde entier, que les français avait été actifs pour leur libération, en s'appuyant sur un conjonction réussie mais fragile de la résistance extérieure et de la résistance intérieure.
Toutefois, il faut encore relativiser l'importance des Forces Française Libres, qui en 1940 n'étaient composées que de  70.000 hommes (alors que la Pologne en a 150.000) et dont les deux faits d'armes, Koufra (Février 1941) et Bir Hakeim (Juin 1942)  largement surestimés par De Gaulle servent avant tout  à entretenir le moral. Ensuite, l'armée de libération qui réunit FFL et FFI aligne en mai 1945 environ 1,3 M d'hommes soit 3% des forces alliées. Elle   a participé  aux combats en remportant quelques victoires (Tunisie, Cassino) mais son rôle demeure modeste pour la victoire finale, un simple frein.



Des alliés reconnaissants... ou flatteurs ou diplomates  ?


Pour le commandant des forces alliées en Europe, le général Dweight Eisenhower, dans ses mémoires  (1949) écrit "les FFI ont joué un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie et dans la libération de la France". A l'époque, il avait évalué l'aide apportée par les résistants normands à l'équivalent de quinze divisions régulières, ce qui est vraiment beaucoup, équivalent à "une armée classique". Mais en plus de la disponibilité de ces troupes, il soulignait la contribution des résistants au plan Vert, un ensemble d'actions de sabotage contre les transports de troupes et de munitions qui permit alors, en deux jours, de détruire 98 locomotives.
A l'opposé, les autres grands acteurs militaires ne portent pas le même jugement : Bradley est relativement sévère, Montgomery règle ses comptes avec tout le monde (son comportement ayant été beaucoup  critiqué...) et les généraux allemands qui  publient leurs mémoires ignorent la résistance. L'historien britannique J Keegan estime le rôle des résistances européennes comme "très faible" et préfère attribuer une palme au décryptage  de  la machine "Enigma".

Dans tous les cas,  la résistance n'aurait rien pu  faire sans l'existence du débarquement et la présence des alliés en France... et surtout pas libérer la France.
Par contre, ce qui est indéniable c'est que l'action de la résistance  a permis d'accélérer la progression des alliés et donc d'accélérer la libération de la France.
Selon le général américain William Donovan, chef de l'OSS, l'Office of Strategic Services qui se chargeait de l'aide aux mouvements de résistance, 80% des renseignements utiles lors de la libération de la France ont été fournis par les services secrets gaullistes.


Les historiens: "avec ou sans la Résistance, la France aurait été libérée..."


Même si les effectifs des FFI sont passés de 100 000 en janvier 1944 à 200 000 en juin puis à 400 000 en octobre de la même année, les historiens tempèrent le jugement porté sur le rôle de la résistance lors du débarquement.
Les résistants ont certes fourni d'importants renseignements sur le dispositif allemand le long des côtes avant le 6 juin 1944, mais leur rôle au combat a en revanche été négligeable face à l'énorme machine de guerre ennemie. "Il y avait 500 à 600.000 Allemands engagés dans la bataille de Normandie. Que voulez-vous que fassent quelques types face à ça ?", demande Jean Quellien, professeur à l'Université de Caen. "L'honneur est sauf, ils ont fait ce qu'ils pouvaient... Mais ils ne pouvaient pas faire grand chose".

Selon Olivier Wieviorka, professeur à Normale sup Cachan et auteur d'une "Histoire du Débarquement en Normandie", "avec ou sans la Résistance, la France aurait été libérée, mais pas de la même manière : la Libération aurait été plus difficile, plus sanglante, et moins rapide". Pour lui, les Anglo-Américains ne croient pas en la résistance, ils l’ont toujours considérée comme un « bonus », un terme d’ailleurs utilisé par le premier planificateur d’Overlord, le général Morgan. Tout ce qu’elle apporte est le bienvenu, mais nous ne sommes pas dans une logique de division des tâches, on ne compte pas sur elle pour suppléer aux carences de l’état-major.
"Les Alliés n'ont jamais vraiment compté avant le Débarquement sur la Résistance qu'ils considéraient comme un bonus". "Mais "dans l'ensemble, elle a joué un rôle qui a plutôt agréablement surpris les Alliés", notamment après le passage de l'armée régulière lorsqu'il s'est agi d'utiliser les résistants comme éclaireurs près des lignes allemandes, de leur faire garder des infrastructures comme des ponts ou encore de garder des prisonniers" observe-t-il.

En effet , "les alliés, qui pouvaient un peu douter de la discipline de la résistance et qui la considéraient jusque-là comme un plus, vont avoir beaucoup plus confiance en elle. Dès lors, la Résistance est considérablement armée, notamment en juillet-août, et beaucoup mieux intégrée dans la pensée stratégique alliée lors du débarquement en Provence, qui a lieu le 15 août 1944."
De toute façon, "la Libération de la France aurait été réalisée sans la Résistance, mais elle ne l’aurait pas été de la même manière. Il y aurait eu beaucoup plus de vies humaines sacrifiées, beaucoup plus de heurts entre la population civile et les armées de la libération. Cette Résistance, en fonction des listes établies par les services gaullistes, va nommer des préfets, des maires, reconnus par la population. Par exemple, la réquisition d’une école pour loger des soldats américains sera beaucoup mieux acceptée si elle est décidée par le maire que par un capitaine américain. La Résistance a donc été plus facteur d’ordre que de désordre."
==> extraits de divers interview d'O Wiervorka, dont :  http://education.francetv.fr/videos/6-juin-1944-debarquement-et-resistance-v105141


Auteur du livre "D-Day et la bataille de Normandie", l'historien britannique Antony Beevor, souligne que les "molles collines normandes ne se prêtent guère au combat de maquis comme les régions montagneuses. On ne pouvait de ce fait, s'attendre à ce que des résistants à Caen se comportent comme des résistants yougoslave, qui ont livré de véritables batailles rangées contre la Wehrmacht".
A contrario, la Résistance a joué un rôle majeur en sabotant les voies ferrées et les lignes téléphoniques ennemies. "L'attaque des lignes de communication représente une contribution importante de la Résistance sur toute la Normandie car elle a retardé l'arrivée des renforts allemands", souligne M. Beevor.


Pendant la Bataille de Normandie, la Résistance paie néanmoins un lourd tribut… Dès le 6 juin 1944, le chef de la police Harald Heynz fait tuer 75 à 80 prisonniers, la plupart résistants, dans la prison de Caen. Aujourd’hui encore, on ne sait pas où sont leurs corps.



Le rôle de la résistance locale 
  • Son organisation
Le réseau "Alliance" a été créé en 1940 par Georges Loustaunau Lacau dit "Navarre", arrêté en 1941, puis repris par Marie Madeleine Fourcade dit "Hérisson" et par Léon Faye. Ce réseau s'étend à toute la France, aussi est-il divisé en 1942 en zones : Sud Ouest, Sud Est, et, Ouest, commandé par Jean Roger Sainteny dit "Dragon". Ce secteur Ouest était lui même divisé, et, la Normandie était appelée "Ferme".
La partie ouest du Calvados, dirigée par Robert Douin dit "Civette", était elle même divisée en 4 autres secteurs dont le "Bessin" créé par Jean Sainteny, qui réside parfois à Aignerville (près de Trévières). Sainteny fédère son équipe avec d'autres résistants locaux : Bernier de Port, et surtout avec l'instituteur de Formigny, M Couliboeuf dit "Bison noir" qui devint le chef et la boîte aux lettres du groupe "Bessin" aidé par Rodriguez dit "Pie", le radio.
Cette zone "Bessin" est elle même divisée en 3 secteurs : Bayeux, Port en Besssin (Paul Bernier, avec des pêcheurs: Payen, les Cardron, et surtout G Thomine dit "Cachalot"...) et, enfin, Saint Laurent-Trévières qui est représenté par : Désiré Lemière dit "Chordeille" facteur à St Laurent; Albert Anne, forgeron-charron, d'Asnières ; Robert Boulard facteur à Trévières ; et probablement Charles Olard, le receveur du bureau de poste de St Laurent.


 Désiré Lemière              Albert Anne                Robert Boulard


  • Son rôle
Ces équipes observent et transmettent des renseignements d'une grande précision, en effet quoi de plus naturel qu'un facteur en tournée qui n'hésite pas à discuter [se renseigner discrètement] avec les habitants ? De même qui se méfierait de ces braves pêcheurs qui jettent leurs filets face aux bunkers en construction? Enfin, qui se méfierait d'un aveugle qui se promène sur le littoral avec sa canne blanche ?
Le groupe Alliance dont l'activité est le "renseignement" fonctionne par un système organisé de "boites aux lettres" dont celle de Bayeux est centrale ; de là, des contacts émis par un poste emetteur radio vers Londres. L'épicentre de ce réseau est donc la "maison des gouverneurs" à Bayeux, résidence de deux institutrices Julia Picot et Germaine Limeul, qui centralisent toutes les informations.

A partir de l'été 1943 les alliés sollicitent davantage de renseignements : la décision de débarquer en Normandie a été prise... Robert Douin s'active et peaufine ses cartes qu'il agrandit au 1/10.000 puis les fait parvenir à Paris par l'intermédiaire d'un agent de liaison, Jean Truffaut, dit "Tadorne". En mars 1944,toutes ses cartes sont finies.
  • Les membres du groupe Saint Laurent-Trévières
    Ce tout petit groupe a fait, dans un secteur difficile, très surveillé et contrôlé, ce qu'il a a pu. Malheureusement, dans des conditions qui n'ont jamais été éclaircies, ils ont été dénoncés et arrêtés tous les quatre,  puis fusillés à la prison de Caen (voir document en bas de page) , sauf un membre qui aurait été libéré dans des conditions totalement inconnues.
-Désiré Lemière  (1887-1944) habite le hameau de Fosses Taillis à Saint-Laurent-sur-Mer. Agriculteur sans terres, puisque les les Allemands les avaient en partie réquisitionnées, il est devenu facteur à St-Laurent. Depuis janvier 1943, il fait partie du "Groupe Alliance" et il a été arrêté le 5 mai 1944 par la Gestapo, puis fusillé le 6 juin 1944 à la Prison de Caen. Désormais une rue de St Laurent/Mer porte le nom du résistant mort pour notre liberté.

-Robert Boulard est facteur à Trévières et habite Vierville, au hameau de Vacqueville. Il est agent de renseignement du "Groupe Alliance", et a aussi été arrêté le 5 mai 1944 et fusillé le 6 juin 1944 à la Prison de Caen.

-Albert Anne est forgeron à Asnières, il est agent de renseignement du "Groupe Alliance", et a aussi été arrêté le 5 mai 1944 et fusillé le 6 juin 1944 à la Prison de Caen.

-Charles Olard est receveur des Postes à Saint-Laurent et habite au hameau de Fosses-Taillis, comme Désiré Lemière. Il aurait été, comme les autres, arrêté le 5 mai 1944, mais aurait été libéré avant le 6 juin 44  dans des conditions très  mystérieuses, sans que jamais, durant sa vie,  il ne fournisse la moindre explication (aucune source historique).
 Aujourd'hui, on comprend qu'il n'y en aura jamais, en effet un membre de la famille Olard s'exprime aujourd'hui ainsi :
"j ai promis à ces résistants de faire ce que je fais pour eux, pour leurs fréres de combats et pour transmettre ceci aux générations futur , je tiend cette promesse du mieux que je le peux à mon petit niveau , ce fût leurs volontés ... de cette maniére je reste auprés d' eux et je pense qu ' ils m' accompagne dans cette démarche de coeur ... sachez que mon grand pére lucien OLARD ( garagiste ) était résistant à VIERVILLE SUR MER ( inconnu resté dans l' ombre ce fût sa volonté ,sans gloriol ni remerciement ...) son fréres chrales OLARD résistant à la poste de SAINT LAURENT SUR MER ( chef receveur des postes ) reconnu résistant dans le groupe ALLIANCE sous réseau FREME .Et le beau frére de mon grand oncle charles OLARD du nom de jean Caby RESISTANT (reconnu ) fait parti des 87 fusillés RESISTANS de la prison de caen fusillés par les allemands au matin du 6 juin à l' annoce du débarquement.
Sebastien olard, familles de résistants à OMAHA BEACH
PRESIDENT DE L ' ASSOCIATION : LES FLEURS DE LA RESISTANCE"
[orthographe d'origine de la source : https://www.lesherosdelasecondeguerremondiale.fr/omaha-beach/]

Complément : Devenir un héros de l'histoire

Conclusion
Plus que le célèbre  discours  de De Gaulle à  Londres, c’est essentiellement  le patriotisme qui motive les résistants en Normandie. De rares  courageux ne supportent pas de voir leur pays occupé par une armée étrangère et s'engagent  à leur  manière dans la résistance qui demeure un phénomène très marginal. Toutefois, localement la résistance a montré son efficacité  dans la collecte de renseignements, seule activité possible. Localement, la résistance paie néanmoins un très  lourd tribut… puisque le réseau Alliance a été exécuté et que la quasi totalité de ses membres  ont été tués   le 6 juin 1944, dans la prison de Caen. Aujourd’hui encore, on ne sait toujours pas où sont leurs corps.

rapport de la gendarmerie sur les exécutions à la prison de Caen le 6/6/1944